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Vue d’ensemble sur les méthodes d’estimation de la fécondité fondées sur le quotient P/F

Introduction

Presque toutes les méthodes d’estimation indirecte de la fécondité ont leur origine dans la méthode du quotient P/F proposée initialement par Brass (1964). En outre, l’interprétation des résultats d’autres méthodes (par exemple les taux de fécondité par cohorte et période) et certains des outils diagnostiques utilisés pour évaluer la qualité des données lors de l’estimation de la mortalité infantile reposent aussi sur la logique intrinsèque de la démarche du quotient P/F. Même si la méthode dans sa forme originelle et dans ses formes modifiées a été aujourd’hui remplacée par le modèle relationnel de Gompertz et ses variantes, il reste utile d’en présenter ici la logique essentielle. Les lecteurs intéressés peuvent se reporter au Manuel X (Division de la Population des NU 1984) pour un exposé complet de la démarche.

La méthode du quotient P/F de Brass

La méthode repose sur le fait que les mesures de fécondité par cohorte et par période sont identiques lorsque la fécondité reste durablement constante. En d’autres termes, dans ces circonstances, la fécondité cumulée d’une cohorte de femmes jusqu’à un âge donné est égale à la fécondité cumulée jusqu’au même âge au cours de n’importe quelle période.

Si nous supposons qu’il n’y a pas de différences de mortalité importantes en fonction de la fécondité des mères, de sorte que les femmes survivantes n’ont pas une descendance substantiellement différente de celle des femmes décédées, la fécondité cumulée d’une cohorte de femmes jusqu’à un âge donné est égale à la parité moyenne dans cette cohorte. (Cette hypothèse n’est pas très importante, car même s’il y a des différences dans les fécondité des femmes vivantes et décédées, dans la plupart des populations la mortalité aux âges reproductifs est très faible et l’effet de la survie différentielle est, en conséquence, très réduit.)

Brass définit P comme la parité moyenne (la fécondité cumulée au long de la vie) d’une cohorte de femmes jusqu’à un âge donné, alors que F est étroitement lié à la fécondité actuelle (du moment) cumulée jusqu’au même âge. La méthode du quotient P/F exprime ces deux quantités en relation l’une à l’autre sous la forme d’un rapport pour chaque groupe d’âge.

Il est un peu plus compliqué d’obtenir F qu’on ne l’a suggéré plus haut pour deux raisons. D’abord, toute comparaison entre fécondité par cohorte et par période doit tenir compte du probable décalage des données sur la fécondité actuelle résultant du fait que la question s’appuie sur l’âge de la mère au moment de l’interview plutôt que sur celui qu’elle avait lors de sa naissance la plus récente. Ensuite, alors que la fécondité d’une période cumulée jusqu’à un âge donné reflète la fécondité de l’ensemble des femmes jusqu’à cet âge, les parités moyennes sont généralement celles des femmes d’un groupe quinquennal d’âge et reflètent donc à peu près la parité moyenne des femmes à l’âge médian du groupe quinquennal. La méthode formulée par Brass prend en compte ces deux éléments.

Si la fécondité est constante depuis longtemps dans une population, et si les données ne comportent pas d’erreurs, le quotient P/F doit être égal à 1 dans chaque groupe d’âge. Mais si la fécondité recule, la fécondité cumulée au long de la vie doit être supérieure à la fécondité actuelle cumulée. Dans ce cas (en l’absence d’erreurs dans les données), le quotient P/F doit s’écarter systématiquement de l’unité à mesure que s’élève l’âge des mères.

Le corollaire de cette observation est que le quotient P/F devrait être assez proche de l’unité aux jeunes âges, car même vers 25 ans la fécondité cumulée par période ne devrait pas s’écarter sensiblement de celle cumulée au sein d’une cohorte, la plupart des naissances des femmes de cette cohorte ayant eu lieu récemment. D’où on déduit que le quotient P/F calculé pour les femmes âgées de 20-24 ans au moment d’une enquête est sans doute l’indicateur le plus fiable de la qualité des données recueillies sur la fécondité. On peut aussi penser raisonnablement que les parités moyennes des jeunes femmes sont généralement bien déclarées, au moins par rapport à celles des femmes plus âgées.

Ce schéma caractéristique d’écart par rapport à l’unité lorsque l’âge des femmes augmente est à la base de nombreuses analyses sur la nature et la qualité des données tirées des questions sur la fécondité récente et sur la descendance.

Diagnostics fondés sur le quotient P/F

En réalité, les données ne sont jamais exemptes d’erreurs et celles-ci rendent confus et obscur le schéma hypothétique d’écart à l’unité du quotient P/F.

Comme on l’a vu dans les sections sur l’évaluation de la qualité des données sur la fécondité récente et sur l’évaluation de la qualité des données sur la parité, deux erreurs affectent souvent ces données. La première est que les déclarations de descendance – c’est-à-dire de fécondité cumulée par cohorte – deviennent de plus en plus inexactes à mesure qu’augmente l’âge des répondantes, les femmes âgées tendant à sous-déclarer leur descendance. Les erreurs de ce type tendent donc à faire baisser le numérateur du quotient P/F, en particulier aux âges avancés. Lorsque de telles erreurs affectent les données, le quotient se rapproche de l’unité davantage qu’il ne ferait dans la réalité. 

Le second type d’erreur fréquemment rencontré tient à ce que les femmes tendent à sous-déclarer leurs naissances récentes, quel que soit leur âge. Il en résulte un niveau de fécondité récente inférieur à ce qu’on attendrait et un quotient P/F surestimé.

La méthode du quotient P/F s’efforce de corriger le second défaut en appliquant le quotient P/F calculé pour les jeunes femmes (pour les raisons exposées ci-dessus) au schéma de fécondité observé directement comme un facteur de proportionnalité.

Résumé des méthodes fondées sur le quotient P/F

Un certain nombre des méthodes décrites ici ont été originellement présentées dans le Manuel X comme des extensions de la méthode du quotient P/F. Le modèle relationnel de Gompertz peut être considéré comme une version améliorée et plus souple de la méthode du quotient P/F de Brass. Le modèle s’appuie sur les mêmes données (et fait les mêmes hypothèses sur les erreurs affectant les données de fécondité) que son précurseur. Mais il est important de noter que la méthode ne nécessite pas d’hypothèse sur la constance passée de la fécondité. La comparaison des descendances et de la fécondité par période reste néanmoins au cœur de la méthode.

La plupart des extensions de la méthode du quotient P/F de Brass présentées dans le Manuel X ont été remaniées en extensions du modèle relationnel de Gompertz. Ces extensions incluent les méthodes qui recourent aux données sur les accroissements de parité entre deux recensements [4] pour estimer la fécondité ; les méthodes qui utilisent conjointement les accroissements de parité et un schéma-type de taux de fécondité intercensitaires (le modèle relationnel de Gompertz synthétique [5]) ; et les méthodes indirectes qui s’appuient sur des données du système d’enregistrement à l’état civil [6]. Les taux de fécondité par cohorte et période tirés de données d’enquête [7] reposent aussi sur la logique de la méthode du quotient P/F pour éclairer les tendances et la dynamique à long terme de la fécondité.

Références

Brass W. 1964. Utilisation des données des recensements ou des enquêtes pour l’estimation des taux de natalité et de mortalité. Préparé pour le Cycle d’études sur les statistiques d’état civil, Addis Abéba 14-19 décembre 1964. Document No. E/CN.14/CAS.4/V57. New York: Nations Unies.
http://repository.uneca.org/bitstream/handle/10855/9306/Bib-49868.pdf?sequence=1

Division de la Population des Nations Unies. 1984. Manuel X. Techniques indirectes d’estimation démographique. New York : Nations Unies, Département des affaires économiques et sociales internationales, ST/ESA/SER.A/81. http://unstats.un.org/unsd/demographic/standmeth/handbooks/Manuel_X-fr.pdf