Ajuster une table-type de mortalité à un couple d’estimations de la mortalité des enfants et de la mortalité adulte
Description de la méthode
Dans des pays où les statistiques sont médiocres et défectueuses, il est souvent impossible d’analyser la mortalité en calculant des séries complètes de taux de mortalité par âge à partir des données disponibles. Cependant, la plupart des pays ont recueilli des données qui peuvent servir à l’estimation de la mortalité des enfants. En particulier, il est généralement possible d’évaluer le quotient de mortalité de la naissance au 5e anniversaire, 5q0. De plus, dans de nombreux pays, on peut utiliser soit les statistiques de l’état civil, soit des données de recensement ou d’enquête pour estimer la mortalité adulte. Habituellement, ces indices de mortalité adulte mesurent la probabilité conditionnelle de survie sur un grand intervalle d’âge (par exemple, 45p15, la probabilité de survie du 15e au 60e anniversaire). Dans ce chapitre, nous expliquons comment ajuster un système relationnel logit (associé à une table-type de mortalité) à un couple d’estimations de la mortalité des enfants et de la mortalité adulte relatives à la même année ou à la même période.
Quand on peut estimer à la fois la mortalité des enfants et la mortalité adulte d’une population, il est possible d’ajuster à ce couple d’estimations une table-type de mortalité à deux paramètres qui en intègre les valeurs observées. Ainsi, des modèles à deux paramètres exploitent pleinement les données disponibles dans une telle situation, et, du fait qu’ils reproduisent la relation observée entre les niveaux respectifs de la mortalité des enfants et de la mortalité adulte, ils sont beaucoup mieux à même de décrire la structure par âge de la mortalité de la population étudiée qu’un modèle à un paramètre ajusté sur la seule mortalité des enfants.
Les approches présentées ci-dessous peuvent être appliquées à n’importe quel couple d’indices de mortalité adulte et de mortalité des enfants, pourvu que ce dernier soit exprimé en termes de probabilité de survie à partir de la naissance. Dans la plupart des cas, l’indice observé de mortalité des enfants sera le quotient de mortalité infanto-juvénile, 5q0. Par contre, l’indice de mortalité adulte est généralement une probabilité conditionnelle, npx, la probabilité de survivre jusqu’à l’âge x + n sous la condition que l’on a déjà survécu jusqu’à l’âge x. Généralement, la limite inférieure de cet intervalle d’âge adulte est plus élevée que la limite supérieure de l’intervalle d’âge sur lequel a été mesurée la mortalité des enfants. Cela rend impossible la conversion directe des probabilités conditionnelles de survie à l’âge adulte en probabilités non conditionnelles. On ne peut donc pas appliquer les méthodes d’ajustement de systèmes relationnels associé à des tables-types de mortalité présentées dans de nombreux manuels proposant une introduction à la modélisation, et on doit recourir à des techniques d’ajustement plus complexes.
Ce chapitre décrit les méthodes qui peuvent être utilisées pour ajuster à un couple d’estimations de mortalité des enfants et de mortalité adulte deux catégories différentes de tables-types de mortalité à deux paramètres. La première série de méthodes se base sur le système relationnel logit associé à des tables-types de mortalité, présenté dans la partie de ce manuel consacrée à l’introduction aux tables-types de mortalité. Nous exposerons trois variantes de cette approche. La « méthode de la greffe » (en anglais : splicing method) utilise différentes tables-types à un paramètre exprimées sous forme logit pour représenter respectivement la mortalité des enfants et celle des adultes (en posant l’hypothèse que β, le paramètre qui caractérise le schéma par âge de la mortalité, est égal à 1 dans chaque modèle) et greffe la table-type de mortalité adulte sur la table-type de mortalité des enfants au niveau du 15e anniversaire. Deuxièmement, la « méthode logit de Brass » s’appuie sur les deux paramètres de niveau (α) et de structure (β) du système pour déterminer une table de mortalité correspondant à un standard déterminé. Troisièmement, la « méthode logit modifiée », proposée par Murray, Ferguson, Lopez et al. (2003), ajuste, elle aussi, un système relationnel logit à l’aide des deux paramètres α et β, mais utilise sa propre table standard et l’ajuste aux indices estimés de manière à réduire l’effet des variations de β sur la mortalité infantile et la mortalité aux grands âges.
La deuxième série de tables-types de mortalité à deux paramètres est le système « log-quadratique » proposé récemment par Wilmoth, Zureick, Canudas-Romo et al. (2012). Basé sur la régression, c’est un système de modèles de ln(5mx). Il n’est pas explicitement relationnel dans sa formulation, mais sa paramétrisation s’appuie sur le vaste corpus de données de mortalité constitué par la Human Mortality Database. On pourrait facilement le reformuler sous forme relationnelle en prenant l’un des modèles comme standard.
Étant donné qu’on a besoin de procédures itératives pour ajuster une table-type de mortalité aux probabilités conditionnelles de survie aux âges adultes, nous n’en donnerons pas ici d’exemple détaillé. Nous renvoyons le lecteur intéressé à la feuille Excel qui est associée au manuel dans sa version en ligne. Cependant, la dernière section de ce chapitre présentera brièvement les résultats de l’application des quatre méthodes à une série d’estimations de la mortalité du Kenya au milieu des années 1980.
Données requises et hypothèses
Pour la mise en œuvre des méthodes exposées dans ce chapitre, on a besoin d’une estimation de la mortalité infanto-juvénile (5q0) et d’une estimation de la mortalité adulte sous condition de survie jusqu’au seuil de l’âge adulte (par exemple 45q15 ou 35q15). Ces deux indices doivent se rapporter à la même année ou à la même période. En principe, on pourrait aussi utiliser des probabilités conditionnelles de survie prenant comme seuil de l’âge adulte un autre anniversaire que le 15e.
Toutes les méthodes décrites dans ce chapitre font appel, explicitement ou implicitement, à une table standard de mortalité, que l’on modifie ensuite pour l’adapter aux valeurs observées. Deux des trois méthodes basées sur le système relationnel logit imposent à l’analyste de choisir une table standard à partir de laquelle il calculera la table-type ajustée. Ces méthodes font donc une hypothèse importante en présumant que ce choix est pertinent. La section consacrée à l’introduction aux tables-types de mortalité donne quelques règles à suivre pour choisir une table standard adéquate.
Mise en garde
Les quatre approches fournissent généralement des estimations assez similaires des indices résumés tels que l’espérance de vie à la naissance. Mais il y a de grandes différences entre les estimations des indices de mortalité par âge auxquelles elles aboutissent. Ces écarts sont souvent les plus grands pour les populations dans lesquelles le rapport entre la mortalité adulte et la mortalité des enfants diffère beaucoup de la moyenne. Pour l’instant, rien ne démontre que l’une de ces approches soit, généralement ou absolument, supérieure aux autres. De nouvelles recherches sont nécessaires à cet égard. Cependant, Murray, Ferguson, Lopez et al. (2003) montrent que le système logit modifié tend à donner de meilleurs résultats que le système original de tables-types de mortalité à deux paramètres, et Wilmoth, Zureick, Canudas-Romo et al. (2012) concluent que les modèles log-quadratique et logit modifié sont aussi performants l’un que l’autre.
Étant donné que toutes ces méthodes s’appuient, explicitement ou implicitement, sur la mortalité d’une population standard, elles ne doivent pas être utilisées pour modéliser la mortalité de populations dont le schéma de mortalité par âge s’écarte nettement de celui du standard choisi. Cet avertissement est surtout important dans le cas de populations fortement touchées par le VIH/sida, car, dans les pays atteints par une épidémie généralisée de VIH, la structure par âge de la mortalité est complètement différente de celles des tables-types de Princeton et des Nations Unies, ainsi que de celles qui sont à la base des systèmes logit modifié et log-quadratique à deux paramètres.
Utilisation de la fonction Solver de Microsoft Excel
Les techniques décrites dans ce chapitre sont conçues pour être utilisées quand les seules mesures de la mortalité adulte disponibles sont soumises à une condition de survie jusqu’à un certain âge pris comme seuil de l’âge adulte. À partir de ce genre d’indices, on ne peut pas déterminer analytiquement quelles estimations des paramètres du modèle produiront les tables-types les plus performantes. Il faut recourir à des méthodes itératives par tâtonnements ou à des fonctions d’optimisation (telles que la fonction Solver de Microsoft Excel) pour mettre en œuvre les méthodes décrites ici, à l’exception de la « méthode la greffe » (splicing method).
Solver n’est pas fourni d’office avec les installations classiques de Microsoft Excel. Pour l’activer, cliquez sur « File → Options → Add-ins → Manage Excel Add-ins → Go … », puis assurez-vous que la case Solver Add-in est cochée.
Les spécifications de la fonction Solver ont été préparées dans la feuille Excel disponible en ligne et associée à ce chapitre, en respectant les conditions et contraintes auxquelles il faut se plier. Pour appliquer cette fonction à la feuille de calcul, cliquez sur « Data → Solver → Solve ». De légers changements de caractéristiques (dans les fenêtres « Set Objective », « By Changing Variable Cells » et « Subject to the Constraints ») sont nécessaires pour calculer d’abord le modèle masculin puis le modèle féminin. On identifie facilement les cellules réservées au calcul de la table de mortalité féminine en examinant celles qui sont réservées au sexe masculin.
Méthode 1 : la « méthode de la greffe »
La « méthode de la greffe » est la plus simple des quatre. Elle ajuste une table de mortalité unique aux estimations de mortalité adulte et de mortalité des enfants fournies comme inputs, en s’appuyant sur une table standard judicieusement choisie. Elle combine deux tables-types de mortalité à un paramètre, l’une pour les enfants, qui s’ajuste parfaitement à l’indice observé de mortalité infanto-juvénile (5q0), et l’autre pour les adultes, qui s’ajuste parfaitement à la probabilité conditionnelle observée de survie à l’âge adulte (par exemple 45q15 ou 35q15).
Ces deux tables-types de mortalité, pour les enfants et pour les adultes, sont ensuite greffées l’une à l’autre au niveau du 15e anniversaire. Cet âge est proche de l’âge auquel la mortalité atteint son niveau minimum dans la plupart des tables de mortalité. Ainsi, chacun de ces deux modèles représente une branche du schéma de mortalité par âge, et, par convention, le 15e anniversaire est choisi comme ligne de démarcation entre la mortalité des enfants et celle des adultes.
Étape 1.1 : Calcul d’une estimation de α pour la branche de la table de mortalité relative aux enfants
À partir de l’estimation de 5q0, on calcule la valeur de α pour la branche relative aux enfants de la table de mortalité (jusqu’à 15 ans exacts) par la formule suivante :
où Y(5) est le logit du 5q0 observé,
et Ys(5) est son homologue dans la table standard choisie (identifiée par l’exposant s).
Étape 1.2 : Calcul d’une estimation de α pour la branche de la table de mortalité relative aux adultes
On estime la valeur de α pour la mortalité adulte au moyen de la formule suivante :
où le premier terme se calcule à partir de l’indice observé de mortalité adulte sous condition de survie au 15e anniversaire, nq15, et le second se calcule au moyen de l’identité suivante :
Notons que, le paramètre α pour les adultes se rapportant à une table de mortalité qui commence à 15 ans, il n’est pas possible de le comparer directement avec le paramètre α pour les enfants.
Étape 1.3 : Greffe des deux branches de la table de mortalité
Pour greffer les deux branches de la table au niveau du 15e anniversaire, on doit calculer les logits des probabilités conditionnelles de survie de la table standard à partir de 15 ans,
, pour a = 5, 10, 15… En utilisant la formule de
présentée dans la section précédente pour calculer
, on obtient :
On calcule enfin la table définitive, dont la racine est 1, de la manière suivante :
Pour tout âge inférieur ou égal à 15 :
À partir de 15 ans (c’est-à-dire aux âges 15 + a avec a = 5, 10, 15…), on multiplie le nombre estimé de survivants à 15 ans de la table (l(15), calculé à partir des valeurs de α pour les enfants) par les probabilités conditionnelles de survie à partir de 15 ans pour obtenir les probabilités non conditionnelles de survie de la manière suivante :
Une fois les l(x) calculés, les autres fonctions de la table (entre autres nmx, nLx et ex) peuvent être calculées avec les coefficients nax appropriés.
Méthode 2 : la méthode logit de Brass
Dans la section consacrée à l’introduction aux tables-types de mortalité, nous avons présenté le système logit de Brass, à deux paramètres α et β, dans lequel
La méthode des modèles logit de Brass estime les paramètres α et β dans un système relationnel associé à un standard judicieusement choisi, qui reproduit exactement les valeurs observées des indices de mortalité des enfants (5q0) et des adultes (par exemple 45q15 or 35q15). Ces deux observations sont censées se rapporter à la même date.
Étape 2.1 : Estimation de α et β
Du fait qu’il s’agit d’un modèle à deux paramètres, on peut exprimer chaque paramètre en fonction de l’autre et de l’un des deux indices de mortalité observés. Pour simplifier le processus d’ajustement du modèle, il est indiqué d’exprimer α en fonction de β et de 5q0. Dans le système de modèles logit relationnels :
et donc
Sachant que l’indice de mortalité adulte est la probabilité conditionnelle qu’une personne de 15 ans décède avant l’âge exact 15 + n, nq15, alors
En remplaçant α par l’équation 1, on obtient :
Y(5) étant connu, on peut, avec une table standard, résoudre cette équation, par tâtonnements ou en utilisant la fonction Solve d’Excel, pour obtenir la valeur de β qui reproduit la valeur observée de nq15. Idéalement, cette valeur de β devrait rester raisonnablement proche de sa valeur centrale, 1. Si β est très différent de 1 (par exemple, s’il est inférieur à 0,8 ou supérieur à 1,25), il est recommandé de refaire les calculs avec une autre table standard dont la structure par âge de la mortalité est plus proche de celle de la population étudiée.
Étape 2.2 : Calcul d’une table de mortalité complète
La valeur de β obtenue détermine celle de α (en l’introduisant dans l’équation 1). En utilisant ces deux paramètres et la table standard choisie, on peut développer une table de mortalité complète dont la racine est 1, au moyen de la relation logit habituelle :
Une fois les l(x) calculés, les autres fonctions de la table (entre autres nmx, nLx et ex) peuvent être calculées avec les coefficients nax appropriés.
Méthode 3 : le système logit modifié
Le système logit modifié, décrit par Murray, Ferguson, Lopez et al. (2003), est une extension relativement simple du système logit de Brass. Ces auteurs ont proposé un moyen de calculer une table de mortalité en utilisant une table standard unique et des paramètres supplémentaires dépendant de l’âge, γ(x) et θ(x), formant un système logit modifié :
Comme précédemment, Y(x) représente la transformation logit de l(x). Les deux premiers paramètres sont ceux du système relationnel logit de Brass. La première des deux séries de coefficients additionnels, γ(x), est paramétrée par la survie des enfants de moins de 5 ans rapportée à sa valeur dans la table standard, tandis que la deuxième série, les θ(x), est paramétrée par la survie des adultes jusqu’à 60 ans rapportée à sa valeur dans la table standard. Les valeurs de γ(x) et θ(x), ainsi que les tables standards pour chaque sexe, sont présentées au tableau 1.
Les utilisateurs de ce système doivent être avertis que les valeurs de γ(x) et θ(x) publiées dans l’article de 2003 sont affectées d’un signe erroné. Les paramètres du tableau 3 de cet article doivent donc être multipliés par –1 avant toute utilisation. Cette correction a été faite dans le tableau 1.
Bien qu’à première vue on ait affaire à quatre paramètres, cette version modifiée du système relationnel logit reste en fait un modèle à deux paramètres. Puisqu’on donne par définition la valeur zéro à γ(5), θ(5), γ(60) et θ(60), α et β suffisent à déterminer l(5) et l(60) dans le modèle ajusté, et donc aussi les deux séries d’écarts par âge par rapport au schéma standard de mortalité, γ(x) et θ(x). Le modèle peut donc être ajusté, par une procédure itérative, à n’importe quel couple d’estimations de la mortalité des enfants et de la mortalité adulte. En particulier, la valeur de Y(60) qui définit Y(x) pour x ≠ 5,60 est celle de la table ajustée finale. Il n’est donc pas nécessaire de connaître l(60) avant d’ajuster le modèle, et un système logit modifié peut être calculé à partir de n’importe quel indice pertinent de mortalité adulte.
Tableau 1 Coefficients γ(x) et θ(x) et table standard du système logit modifié
Âge (x) |
Sexe masculin |
|
Sexe féminin | ||||
γ(x) |
θ(x) |
ls(x) |
γ(x) |
θ(x) |
ls(x) | ||
0 |
0,0000 |
0,0000 |
100 000 |
|
0,0000 |
-0,0000 |
100 000 |
1 |
-0,1607 |
0,0097 |
96 870 |
|
-0,0855 |
-0,0734 |
97 455 |
5 |
0 |
0 |
96 010 |
|
0 |
0 |
96 651 |
10 |
0,0325 |
-0,0025 |
95 666 |
|
0,0026 |
0,0229 |
96 370 |
15 |
0,0297 |
-0,0047 |
95 385 |
|
-0,0291 |
0,0485 |
96 153 |
20 |
-0,0427 |
-0,0018 |
94 782 |
|
-0,1199 |
0,1090 |
95 795 |
25 |
-0,1262 |
0,0210 |
93 915 |
|
-0,1931 |
0,1702 |
95 340 |
30 |
-0,1877 |
0,0518 |
93 007 |
|
-0,2352 |
0,2117 |
94 824 |
35 |
-0,2430 |
0,0883 |
91 949 |
|
-0,2686 |
0,2408 |
94 197 |
40 |
-0,2899 |
0,1248 |
90 575 |
|
-0,3003 |
0,2601 |
93 370 |
45 |
-0,3148 |
0,1482 |
88 645 |
|
-0,3203 |
0,2594 |
92 220 |
50 |
-0,2888 |
0,1402 |
85 834 |
|
-0,2935 |
0,2183 |
90 569 |
55 |
-0,1915 |
0,0910 |
81 713 |
|
-0,1967 |
0,1338 |
88 159 |
60 |
0 |
0 |
75 792 |
|
0 |
0 |
84 679 |
65 |
0,2304 |
-0,1170 |
67 493 |
|
0,2794 |
-0,1859 |
79 481 |
70 |
0,5523 |
-0,2579 |
56 546 |
|
0,7066 |
-0,4377 |
71 763 |
75 |
0,9669 |
-0,4150 |
42 989 |
|
1,2835 |
-0,7534 |
60 358 |
80 |
1,5013 |
-0,5936 |
28 117 |
|
2,0296 |
-1,1360 |
44 958 |
85 |
2,2126 |
-0,8051 |
14 364 |
|
2,9576 |
-1,5774 |
27 123 |
Source: Murray, Ferguson, Lopez et al. (2003), tableau 3 avec inversion des signes des coefficients γ et θ (voir l’explication dans le texte). |
Étape 3.1 : Estimation de α et β
Le paramètre α produit par cette méthode peut être exprimé en fonction de β et de l’indice observé de mortalité des enfants, 5q0 :
où Y(5) est le logit du 5q0 observé et Ys(5) est le logit du l(5) de la table standard présentée au tableau 1. En outre, dans la table ajustée :
Le modèle peut alors être récrit en fonction de β, de Y(5) et des valeurs empruntées à la table standard :
Au moyen de cette équation, on peut estimer β par itérations, en vue d’obtenir la valeur de ce paramètre qui engendre une table de mortalité dont l’indice de mortalité adulte (par exemple 45q15 ou 35q15) est égal à celui qui a été observé.
Étape 3.2 : Calcul d’une table de mortalité complète
On peut utiliser les valeurs calculées de β et de Y(5) pour déduire α de l’équation 1. Comme γ(60) = θ(60) = 0, on peut ensuite calculer le logit de la probabilité de survie à 60 ans :
Avec ces quatre éléments (α, β, Y(5) et Y(60)), il est possible de calculer toute la série des valeurs de Y(x) au moyen de l’équation 2 et des coefficients du tableau 1.
Une fois obtenus les Y(x), la table de mortalité associée se calcule par la relation logit habituelle :
Après les l(x), on peut calculer les autres fonctions de la table (par exemple nmx, nLx et ex) avec les coefficients nax appropriés.
Méthode 4 : le système log-quadratique
Une autre manière de construire des tables de mortalité à partir de données partielles a été publiée récemment par Wilmoth, Zureick, Canudas-Romo et al. (2012). Il s’agit de modéliser les taux de mortalité par âge (nmx) d’une population en fonction de constantes scalaires dépendant de l’âge, a(x), b(x), c(x) et v(x), et des paramètres h et k selon la relation suivante :
Les valeurs des quatre constantes ontété calculées à partir des données de la Human Mortality Database, et les deux paramètres restants (h et k) servent à l’ajustement du modèle. Les valeurs de a(x), b(x), c(x) et v(x),pour chaque sexe, sont présentées dans le tableau 2.
Tableau 2 Coefficients a(x), b(x), c(x) et v(x) du système log-quadratique de tables de mortalité
x |
n |
Sexe masculin |
|
Sexe féminin | ||||||
a(x) |
b(x) |
c(x) |
v(x) |
a(x) |
b(x) |
c(x) |
v(x) | |||
0 |
1 |
-0,5101 |
0,8164 |
-0,0245 |
0 |
|
-0,6619 |
0,7684 |
-0,0277 |
0 |
1 |
4 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
5 |
5 |
-3,0435 |
1,5270 |
0,0817 |
0,1720 |
|
-2,5608 |
1,7937 |
0,1082 |
0,2788 |
10 |
5 |
-3,9554 |
1,2390 |
0,0638 |
0,1683 |
|
-3,2435 |
1,6653 |
0,1088 |
0,3423 |
15 |
5 |
-3,9374 |
1,0425 |
0,0750 |
0,2161 |
|
-3,1099 |
1,5797 |
0,1147 |
0,4007 |
20 |
5 |
-3,4165 |
1,1651 |
0,0945 |
0,3022 |
|
-2,9789 |
1,5053 |
0,1011 |
0,4133 |
25 |
5 |
-3,4237 |
1,1444 |
0,0905 |
0,3624 |
|
-3,0185 |
1,3729 |
0,0815 |
0,3884 |
30 |
5 |
-3,4438 |
1,0682 |
0,0814 |
0,3848 |
|
-3,0201 |
1,2879 |
0,0778 |
0,3391 |
35 |
5 |
-3,4198 |
0,9620 |
0,0714 |
0,3779 |
|
-3,1487 |
1,1071 |
0,0637 |
0,2829 |
40 |
5 |
-3,3829 |
0,8337 |
0,0609 |
0,3530 |
|
-3,2690 |
0,9339 |
0,0533 |
0,2246 |
45 |
5 |
-3,4456 |
0,6039 |
0,0362 |
0,3060 |
|
-3,5202 |
0,6642 |
0,0289 |
0,1774 |
50 |
5 |
-3,4217 |
0,4001 |
0,0138 |
0,2564 |
|
-3,4076 |
0,5556 |
0,0208 |
0,1429 |
55 |
5 |
-3,4144 |
0,1760 |
-0,0128 |
0,2017 |
|
-3,2587 |
0,4461 |
0,0101 |
0,1190 |
60 |
5 |
-3,1402 |
0,0921 |
-0,0216 |
0,1616 |
|
-2,8907 |
0,3988 |
0,0042 |
0,0807 |
65 |
5 |
-2,8565 |
0,0217 |
-0,0283 |
0,1216 |
|
-2,6608 |
0,2591 |
-0,0135 |
0,0571 |
70 |
5 |
-2,4114 |
0,0388 |
-0,0235 |
0,0864 |
|
-2,2949 |
0,1759 |
-0,0229 |
0,0295 |
75 |
5 |
-2,0411 |
0,0093 |
-0,0252 |
0,0537 |
|
-2,0414 |
0,0481 |
-0,0354 |
0,0114 |
80 |
5 |
-1,6456 |
0,0085 |
-0,0221 |
0,0316 |
|
-1,7308 |
-0,0064 |
-0,0347 |
0,0033 |
85 |
5 |
-1,3203 |
-0,0183 |
-0,0219 |
0,0061 |
|
-1,4473 |
-0,0531 |
-0,0327 |
0,0040 |
90 |
5 |
-1,0368 |
-0,0314 |
-0,0184 |
0 |
|
-1,1582 |
-0,0617 |
-0,0259 |
0 |
95 |
5 |
-0,7310 |
-0,0170 |
-0,0133 |
0 |
|
-0,8655 |
-0,0598 |
-0,0198 |
0 |
100 |
5 |
-0,5024 |
-0,0081 |
-0,0086 |
0 |
|
-0,6294 |
-0,0513 |
-0,0134 |
0 |
105 |
5 |
-0,3275 |
-0,0001 |
-0,0048 |
0 |
|
-0,4282 |
-0,0341 |
-0,0075 |
0 |
110 |
|
-0,2212 |
-0,0028 |
-0,0027 |
0 |
|
-0,2966 |
-0,0229 |
-0,0041 |
0 |
Source : Wilmoth, Zureick,Canudas-Romo et al. (2012, tableau 3). |
Le paramètre h est défini comme le logarithme du quotient observé 5q0. Le second, k (combiné avec v(x)), représente l’écart entre la structure par âge de la mortalité observée et celle d’une population standard. En pratique, il est choisi pour reproduire l’indice observé de mortalité adulte conditionné par le 5q0 observé.
Étape 4.1 : Estimation de h et k
Dans cette méthode, l’estimation de h découle de celle de l’indice observé de mortalité des enfants, 5q0 :
La valeur de k se calcule par itérations, en la faisant varier de manière à augmenter ou diminuer les taux de mortalité par âge jusqu’à ce que l’indice conditionnel de survie de la table ajustée (par exemple 45q15 ou 35q15) coïncide avec sa valeur observée.
Étape 4.2 : Calcul d’une table de mortalité complète
Une fois que h et k ont été évalués, on calcule directement une série complète de 5mx avec les coefficients du tableau 2. Notons que, pour s’assurer que la valeur estimée de 5q0 coïncide avec sa valeur observée, la mortalité entre 1 et 4 ans se calcule comme la différence entre l’estimation initiale de 5q0 et le quotient estimé de mortalité infantile, 1q0 :
Comme les résultats de l’application des modèles log-quadratiques sont les taux de mortalité entre les âges x et x + 5, nmx, on a besoin des multiplicateurs nax, qui mesurent le nombre moyen d’années vécues dans un groupe d’âge donné par les individus qui meurent dans ce groupe d’âge, pour convertir les taux de mortalité en quotients de mortalité et calculer des indices tels que 45q15 ou 35q15. Une simplification qui donne généralement des résultats raisonnables entre 5 et 59 ans consiste à supposer que les personnes décédées entre les âges x et x + 5 sont mortes en moyenne à l’âge exact x + 2,7. (C’est cette hypothèse que l’on a faite dans les feuilles Excel associées à ce chapitre, et on a utilisé des multiplicateurs progressivement plus faibles pour les grands âges.)
Il est plus délicat de déterminer le multiplicateur à employer pour évaluer 1q0 à partir de 1m0, car l’hypothèse adoptée peut avoir un effet important sur le résultat obtenu. En l’absence de renseignements empiriques sur la valeur de 1a0 qui convient pour la population étudiée, on peut estimer une valeur plausible en recourant aux équations proposées par Preston, Heuveline et Guillot (2001, p. 48), qui se basent sur la famille Ouest de tables-types de mortalité de Princeton. (C’est ainsi qu’a été calculé 1a0 dans les feuilles Excel associées à ce chapitre.)
Exemple
Comme nous l’avons dit dans l’introduction, il serait laborieux de présenter des exemples détaillés de mise en œuvre de ces méthodes, étant donné que des procédures itératives sont nécessaires pour calculer les tables ajustées. Les feuilles Excel associées et disponibles en ligne fournissent un exemple d’application de chaque méthode aux estimations de mortalité du Kenya au milieu des années 1980. (Notons que ces estimations sont antérieures aux premières conséquences démographiques significatives de l’épidémie de sida au Kenya, et que l’on peut donc calculer des tables de mortalité pour cette population en utilisant des modèles qui ne tiennent pas compte de l’impact qu’une grave épidémie de VIH a sur la structure par âge de la mortalité.)
Les couples d’indices de mortalité des enfants et de mortalité adulte auxquels les quatre modèles ont été ajustés sont présentés dans le tableau 3.
Tableau 3 Estimations de la mortalité infanto-juvénile et de la mortalité adulte, par sexe, au Kenya au milieu des années 1980
|
Sexe masculin |
Sexe féminin |
5q0 |
0,1180 |
0,1080 |
45q15 |
0,2352 |
0,1581 |
La figure 1 présente les nmx (sur une échelle logarithmique) des tables de mortalité ajustées, basées, dans le cas des deux premières méthodes, sur les tables-types de la famille Ouest de Princeton. D’autres paramètres qui mettent en lumière les différences entre les modèles sont présentés dans le tableau 4.
On voit sur la figure 1 que les taux de mortalité masculins donnés par la « méthode de la greffe » et par la méthode log-quadratique sont presque identiques. Ceux de la méthode logit modifiée sont également très similaires à ceux-ci aux âges adultes (pour les hommes), mais ils sont beaucoup plus faibles entre 5 et 24 ans. Par ailleurs, le modèle logit de Brass concorde avec la méthode de la greffe et la méthode log-quadratique aux âges jeunes, mais donne des taux nettement inférieurs au-dessus de 60 ans, à cause de la faible valeur de β. Les caractéristiques des quatre courbes féminines sont identiques à celles des hommes, sauf pour la méthode log-quadratique qui donne une mortalité plus faible que les autres méthodes entre 10 et 34 ans.
Tableau 4 Indices de mortalité selon quatre tables de mortalité calculées sur la base des estimations du tableau 3 (famille Ouest de tables-types de Princeton)
Indice |
Sexe masculin |
|
Sexe féminin | ||||||
Greffe |
Brass logit |
Logit modifiée |
Log- |
Greffe |
Brass logit |
Logit modifiée |
Log- | ||
e0 |
59,7 |
60,9 |
60,3 |
59,3 |
|
64,3 |
66,6 |
64,4 |
63,9 |
1q0 |
0,0891 |
0,0944 |
0,0923 |
0,0880 |
|
0,0815 |
0,0842 |
0,0823 |
0,0768 |
l(15) |
0,8640 |
0,8679 |
0,8693 |
0,8662 |
|
0,8737 |
0,8796 |
0,8812 |
0,8836 |
20q60 |
0,6706 |
0,5793 |
0,6771 |
0,7054 |
|
0,5346 |
0,4050 |
0,5840 |
0,6416 |
Le tableau 4 illustre les effets de ces différences de taux de mortalité par âge. Les modèles logit de Brass donnent une mortalité aux grands âges nettement plus faible que les autres modèles, et des espérances de vie à la naissance sensiblement plus élevées. D’autre part, les deux modèles log-quadratiques présentent la plus forte mortalité aux grands âges et les plus faibles espérances de vie. Tous les modèles donnent des estimations assez semblables de la survie dans l’enfance (c’est-à-dire jusqu’à 15 ans), mais des valeurs diverses de la mortalité infantile. Les résultats des modèles de Brass sont les plus élevés, ils reflètent les mêmes valeurs faibles de β qui ont donné une mortalité basse aux grands âges. Ces différences entre les modèles impliquent que l’on ne peut pas espérer évaluer correctement les taux de mortalité infantile ou de mortalité aux grands âges sinon par les seules méthodes directes.
Il faut garder à l’esprit que, si les deux premiers modèles s’appuyaient sur un standard différent, cela altérerait les caractéristiques des tables ajustées par le système logit modifié et log-quadratique. Par exemple, adopter comme standard le modèle Sud de Princeton ou le modèle asiatique des Nations Unies donnerait des tables ajustées par la « méthode de la greffe » ou celle de Brass plus proches de celles obtenues par les deux autres méthodes.
Bien qu’il n’y ait guère d’argument décisif qui incite à choisir une méthode plutôt qu’une autre, les approches logit modifiée et log-quadratique sont, en théorie, meilleures que les approches plus anciennes pour ajuster une table-type de mortalité. En outre, comme nous l’avons souligné plus haut dans la section Mise en garde, certaines constatations empiriques suggèrent qu’elles sont en moyenne plus performantes que la « méthode de la greffe » et celle de Brass. Enfin, dans des contextes où le choix d’une table standard paraît difficile, on peut contourner ce problème en adoptant l’une de ces deux approches. Donc, en règle générale, on préférera le système logit modifié et le système log-quadratique aux méthodes plus anciennes, sauf s’il existe des raisons concrètes de choisir une méthode basée sur un standard appartenant à une famille particulière des tables-types de Princeton ou des Nations Unies.
Références
Murray CJ, BD Ferguson, AD Lopez, M Guillot, J Salomon and O Ahmad. 2003. “Modified logit life table system: principles, empirical validation, and application”, Population Studies 57(2):165–182. doi: http://dx.doi.org/10.1080/0032472032000097083
Preston SH, P Heuveline and M Guillot. 2001. Demography: Measuring and Modelling Population Processes. Oxford: Blackwell.
Wilmoth JR, S Zureick, V Canudas-Romo, M Inoue and C Sawyer. 2012. “A flexible two-dimensional mortality model for use in indirect estimation”, Population Studies 66(1):1–28. doi: http://dx.doi.org/10.1080/00324728.2011.611411
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