Tools for Demographic Estimation
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Méthodes fondées sur des données d’enquête

Auteur: 
Moultrie TA

Estimation directe de la mortalité des jeunes enfants à partir d’histoires génésiques

Auteur: 
Hill K

Contexte

Nous traitons ici de l’utilisation des données d’histoires génésiques complètes (en anglais : full birth histories, FBH) ou tronquées (en anglais : truncated birth histories, TBH) pour estimer la mortalité des jeunes enfants. La caractéristique essentielle de ces données est que pour chaque naissance incluse, la date de naissance, la survie et (en cas de décès) la date du décès sont enregistrés. L’analyse des données s’appuie sur la construction de tables de mortalité. L’estimation indirecte de la mortalité des jeunes enfants, et l’estimation de la mortalité des jeunes enfants à partir de la survie d’une naissance récente, sont traitées dans les chapitres sur l’estimation indirecte de la mortalité des jeunes enfants [1] et la technique de la naissance précédente [2], respectivement.

Données nécessaires et hypothèses

Données nécessaires

Pour chaque femme d’âge fécond (dans certains contextes pour des raisons culturelles, la collecte d’information ne porte que sur les femmes déjà mariées) :

  • le nom de chaque enfant né vivant ;
  • le mois et l’année de naissance de chaque enfant ;
  • le sexe de l’enfant (facultatif) ;
  • si l’enfant est encore en vie ; et
  • si l’enfant est décédé, son âge au décès (dans les EDS, l’âge au décès est recueilli en jours pour les décès dans les 28 premiers jours, en mois pour les décès entre un et 23 mois, et en années au-delà).

Hypothèses importantes

  • Les enfants encore en vie et les enfants décédés sont déclarés avec la même précision.
  • Les dates de naissance et de décès sont déclarées avec une précision raisonnable.
  • Il n’y a pas de corrélation entre les risques de mortalité des enfants et les taux de survie des mères (que ce soit du fait de la mortalité ou de la migration) dans la population.

Précautions et mises en garde

Le travail sur des données collectées directement présente des dangers provenant de deux sources. Le premier est le risque de biais de survie, puisque seules les femmes vivantes sont interrogées sur leur histoire génésique détaillée à l’origine des données. Dans les situations où il se pourrait que les mères décédées aient eu une fécondité différente de celles des femmes survivantes, ou que leurs enfants aient fait face à des risques de décéder différents, il existe un risque de biais important dans les estimations obtenues. Divers aspects du biais de survie sont présentés dans l’introduction à l’analyse de la mortalité des jeunes enfants [3], dans la section traitant des effets du VIH sur l’estimation de la mortalité des jeunes enfants [4].

Le second danger provient du biais de troncature, si une limite d’âge supérieure s’applique aux femmes dont on recueille les histoires génésiques détaillées ; ce biais est d’autant plus significatif qu’on remonte plus loin dans le temps. Si on applique une limite d’âge de 49 ans lors de la collecte des données, l’information disponible pour la période 10 ans avant l’enquête ne porte que sur les femmes alors âgées de moins de 40 ans. La mortalité des jeunes enfants estimée à partir de telles données pour des périodes de plus en plus anciennes reposera progressivement sur les histoires génésiques de femmes de plus en plus jeunes. Il peut en résulter un biais de mesure, car cette troncature entraine une surreprésentation des premières naissances parmi les jeunes femmes ; la mortalité des jeunes enfants ainsi mesurée risque donc d’être d’autant plus surestimée que la période est ancienne. Certains résultats montrent que cette surestimation est contrebalancée par une sous-estimation due aux erreurs de mémoire (et à l’omission sélective des enfants qui sont décédés dans un passé lointain).

Evaluation de la qualité des données et analyse des données

Indépendamment de ce que l’on peut savoir sur le mode de collecte des données et sur la façon dont les enquêteurs ont été formés et supervisés, une appréciation méticuleuse de la qualité des données est une première étape essentielle de toute analyse. Toutes les séries de données contiennent des erreurs, qui peuvent provenir de nombreuses sources, telles que certains raccourcis pris par des interviewers ou un interviewé qui, simplement, ne connaît pas la réponse correcte à une question. Chaque section ci-dessous commence par une description des techniques d’évaluation de la qualité des données avant de passer aux méthodes d’analyse. Ces techniques d’évaluation examinent à la fois la cohérence interne d’une série de données et la cohérence externe par comparaison avec d’autres séries de données pour la même population. Notez en passant que la présence d’erreurs ne signifie pas nécessairement qu’une série de données ne doit pas être analysée, l’important est d’apprécier l’ampleur de ces erreurs et d’en tenir compte quand on interprète les résultats.

L’histoire génésique complète : évaluation de la qualité des données

La première étape d’une évaluation systématique de la qualité des données consiste à examiner la fréquence des valeurs manquantes. Dans une histoire génésique complète, des valeurs peuvent manquer pour diverses raisons. Par exemple, des ménages entiers inclus dans le plan de sondage original peuvent manquer. Il se peut en outre qu’au sein d’un ménage interviewé des femmes éligibles ne puissent pas être interrogées. Par ailleurs, des informations spécifiques peuvent manquer au sein d’une histoire génésique lorsque la femme interrogée ne connaît pas la date de naissance d’un enfant, ou qu’elle ignore si un enfant est encore en vie, ou (en cas de décès) l’âge au décès. Les proportions d’événements susceptibles d’être affectés par ces erreurs doivent être examinées. Les items manquants peuvent être imputés au cours du nettoyage des données, mais les valeurs imputées doivent être signalées. L’absence de valeurs manquantes ne doit pas être considérée comme un marqueur fort de la qualité des données ; cela peut même être considéré comme un avertissement : dans certaines enquêtes, les enquêteurs et les superviseurs sont formés pour éviter les valeurs manquantes et, dans ces cas, les données peuvent être plus ou moins fabriquées par l’interviewer.

La seconde étape dans l’évaluation de la qualité des données consiste à rechercher des irrégularités peu vraisemblables dans les résultats agrégés. Les irrégularités le plus souvent détectées concernent les rapports de masculinité à la naissance, dans les distributions annuelles de naissances vivantes, et les âges au décès. En l’absence d’intervention, les rapports de masculinité dans les populations humaines sont généralement compris entre 100 et 106 garçons pour 100 filles. Des rapports de masculinité à la naissance hors de cet intervalle indiquent probablement une erreur. Des rapports de masculinité qui augmentent quand on remonte vers des cohortes nées longtemps avant l’enquête sont des indicateurs particulièrement clairs d’une erreur, dans ce cas une sous-déclaration des naissances féminines anciennes.

En l’absence d’événements majeurs, les naissances évoluent normalement de manière régulière au fil des années, les variations saisonnières n’affectant pas les nombres annuels. D’éventuelles erreurs peuvent être détectées par le calcul de ‘rapports de naissances’, définis comme

  2 B t B t−1 + B t+1  

où Bt est le nombre de naissances déclarées l’année t. Une erreur courante dans les fichiers de données des EDS a été intitulée “transfert de naissances”. Les enquêtes EDS recueillent de nombreuses données supplémentaires sur les enfants nés depuis une date précise, en général le 1er janvier de l’année cinq ans avant l’enquête. Il arrive souvent que les naissances survenues cette année soient déclarées comme ayant eu lieu l’année précédente, sans doute pour réduire la charge de travail. Il en résulte un déficit des naissances l’année qui suit la date marquant le début de la période concernée, et un surplus l’année qui précède. Les rapports de naissances feront apparaitre cette erreur, puisque le rapport sera bas pour l’année qui débute à la date de référence et sera élevé pour l’année qui précède. Ce transfert de naissances est très souvent plus marqué pour les enfants décédés que pour ceux encore en vie, aussi est-il bon de calculer des rapports séparés pour les enfants survivants et décédés.

Des irrégularités dans la déclaration des âges au décès peuvent être détectées de la même façon par le calcul du rapport entre les décès à l’âge x et la moyenne des décès aux âges encadrants (x – 1) et (x + 1). Dans les données des EDS, il y a généralement un excès de décès à 7 jours, dans une moindre mesure à 14 jours, et à 12 mois.

Les EDS publient ces indicateurs de qualité des données au niveau agrégé (national) dans les rapports d’enquêtes (souvent en Annexe C). Ceux qui veulent réaliser des analyses à un niveau plus fin doivent calculer ces indicateurs par eux-mêmes.

Les indicateurs ci-dessus sont des mesures de vraisemblance interne. Mais des données peuvent être vraisemblables en interne et pourtant erronées. Les données doivent être aussi évaluées par comparaison avec d’autres enquêtes pour la même population. Les comparaisons par cohorte sont particulièrement utiles, par exemple la comparaison du nombre moyen d’enfants nés vivants des femmes âgées de 30-34 ans dans une enquête au nombre moyen d’enfants nés vivants des femmes âgés de 35-39 ans dans une autre enquête menée cinq ans plus tard. Les mêmes comparaisons peuvent être faites avec les nombres moyens d’enfants décédés. Des suites de naissances par année civile peuvent aussi être comparées pour des périodes qui se chevauchent, mais en ayant à l’esprit que les naissances du passé sont tronquées de façon croissante quand les histoires génésiques ne sont obtenues qu’auprès des femmes âgées de 15-49 ans au moment de l’enquête.

L’histoire génésique complète des naissances : calcul des indicateurs de mortalité des jeunes enfants dans les cohortes de naissance

Les indicateurs de mortalité des jeunes enfants couramment utilisés sont exprimés comme des probabilités. Ainsi, le taux de mortalité infantile est la probabilité de décéder avant le premier anniversaire, 1q0 (ceci est une approximation car le taux de mortalité infantile est conventionnellement défini comme le rapport du nombre de décès infantiles au cours d’une année au nombre de naissances de cette même année, une valeur très voisine de 1q0). Le taux de mortalité avant 5 ans est la probabilité de décéder avant le 5ème anniversaire, 5q0. Au sens strict, les probabilités sont des mesures relatives à des cohortes réelles, même si la plupart des tables de mortalité calculent des mesures relatives à des cohortes synthétiques, pour des périodes, à partir de taux de mortalité par âge et période. Il est très simple de calculer des probabilités pour des cohortes à partir d’histoires génésiques complètes. Par exemple, le taux de mortalité infantile par cohorte pour les enfants nés 12 à 23 mois avant l’enquête est simplement le nombre de ces enfants décédés avant l’âge d’un an divisé par le nombre de naissances. De même, le taux de mortalité avant 5 ans par cohorte pour les enfants nés 5 à 9 ans avant l’enquête est le nombre d’enfants décédés avant leur 5ème anniversaire divisé par le nombre de naissances il y a 5-9 ans. A la figure 1, on a représenté sur un diagramme de Lexis la probabilité par âge et cohorte de décéder avant le 1er anniversaire pour la cohorte née en juillet 2001 (en vert), et la mortalité par âge et période des enfants âgés de 5 mois au cours de l’année 2002 (le rectangle bleu, reprenant un exemple qui sera utilisé plus loin dans ce chapitre).

Figure 1 Représentation sur un diagramme de Lexis de la mortalité avant un an par âge et cohorte (vert) et de la mortalité à 5 mois par âge et période (bleu) 299 [5]

 Le tableau 1 présente les données pour le calcul de la probabilité par âge et cohorte de décéder avant l’âge d’un an pour les enfants nés 12-23 mois avant l’enquête et de la probabilité de décéder avant 5 ans pour la cohorte née 5 à 9 ans avant l’enquête, d’après l’EDS 2004 du Malawi.

Tableau 1 Calcul du taux de mortalité infantile et du taux de mortalité avant 5 ans, Malawi, EDS 2004

 

Période de naissance

 

12–23 mois
avant l’enquête

60–119 mois
avant l’enquête

     Naissances

2 229

7 178

       Dont, décès avant 12 mois

143

 

       Dont, décès avant 5 ans

 

1 568

    Indicateur de mortalité

1q0

5q0

    Estimation par cohorte pour 1 000 naissances

64,2

218,4

Note: données pondérées ; les événements se produisant le mois de l’interview ont été exclus

Notez qu’il n’y a pas d’interprétation par période (en transversal) de ces valeurs de cohortes ; dans l’exemple du taux de mortalité avant 5 ans, la probabilité par cohorte reflète des risques de mortalité dans chacune des 10 années précédant l’enquête. Notez aussi que la probabilité de décéder avant l’âge x ne peut être calculée que pour des cohortes nées au moins x années avant l’enquête. Ces deux considérations limitent la valeur des mesures de cohorte, car dans la plupart des cas les analystes et les responsables politiques sont davantage intéressés par les mesures transversales.

L’histoire génésique complète : calcul des indicateurs de mortalité des jeunes enfants par période

Les mesures par période sont estimées en utilisant le concept de cohorte synthétique. Les taux de mortalité pour des intervalles d’âge restreints et des périodes définies sont calculés sur la base d’événements et d’exposition au risque dans des rectangles du diagramme de Lexis. Les taux sont ensuite convertis en probabilités, en utilisant les relations démographiques classiques (voir, par exemple, Preston, Heuveline et Guillot (2001)) et en faisant généralement quelques hypothèses peu contraignantes sur la distribution des décès dans chaque rectangle. Enfin, les probabilités de décéder sont appliquées successivement à une cohorte hypothétique de naissances ; il en résulte une courbe de survie ℓ(x) pour chaque âge x, à partir de laquelle on tire facilement des probabilités de décéder.

Les données des histoires génésiques complètes de naissances se prêtent aisément à ces calculs de tables de mortalité. Si les données sont collectées selon la pratique des EDS – en mois et année pour les dates de naissance ; en jours, mois ou années (en fonction de l’âge) pour les âges au décès– les décès peuvent être situés sans grande ambiguïté dans des rectangles âge-période du diagramme de Lexis (il restera une légère ambiguïté, du fait de l’imprécision de l’information sur la date de naissance et l’âge au décès, mais l’impact dépendra de la taille des rectangles.) Nous décrivons ici une démarche fondée sur le calcul de taux de mortalité par âge pour une seule année civile (taux par âge et période) pour la mortalité avant 5 ans. Il est facile d’étendre ensuite à d’autres périodes de temps. On suppose que les données sont reprises dans un format EDS classique, c’est-à-dire que les dates de naissance sont enregistrées en nombre de mois depuis le 1er janvier 1900, et les âges au décès sont en jours, mois ou années. On doit disposer de données individuelles. L’unité d’âge est le mois. Les calculs de base sont donc des taux de mortalité par âge, par mois d’âge et année civile. Ces taux sont convertis en probabilités de décéder chaque mois. Ces probabilités sont ensuite converties en probabilité de survie, et sont combinées sur tout intervalle d’âge nécessaire (en particulier, jusqu’à 5 ans). L’essentiel du calcul consiste à assigner les décès et les expositions au risque à des segments d’âge d’un mois au cours d’une année civile.

Traitement des données

Dans une série de données sur les naissances de type EDS, on utilise quatre variables :

  1. b3, date de naissance en nombre de mois depuis le 1er janvier 1900 ;
  2. b5, survie de l’enfant;
  3. b6, âge au décès, où le premier chiffre indique l’unité (1, jours ; 2, mois ; et 3, années) et les deuxième et troisième chiffres la valeur dans cette unité ; et
  4. v005, coefficient de pondération d’échantillonnage, en millions.

Notez que la variable b7, âge au décès (en mois, par imputation), n’est pas utilisée. Cette variable ne se prête pas à la procédure de calcul des taux de mortalité décrite ici car, dans les cas ou l’âge au décès est enregistré en années, le mois ‘imputé’ est en fait égal à la limite inférieure de l’intervalle (c’est-à-dire que si l’âge au décès est enregistré comme ‘3 ans’, l’âge imputé en mois est 36 mois). Cette variable conduirait donc à une localisation systématiquement erronée des décès dans le temps.

Application de la méthode

Etape 1: Traitement de l’âge au décès et calcul de la date de naissance et de l’âge au décès estimés

Nous voulons situer les décès par mois de leur survenue. Comme nous n’avons pas une date de naissance précise (car elle est exprimée seulement en nombre de mois depuis le 1er janvier 1900), et qu’en général nous n’avons par un âge au décès précis (sauf pour les décès néonataux), il nous faut imputer à la fois la date de naissance et l’âge au décès. Nous pouvons le faire en utilisant des nombres aléatoires.

Il n’est évidemment pas souhaitable – entre autres par manque de reproductibilité – d’utiliser pour cela un vrai générateur de nombres au hasard. En outre, une ‘vraie’ randomisation risque de produire une fausse impression de précision. A la place, nous proposons de créer des nombres pseudo-aléatoires à partir de variables couramment disponibles dans les données des EDS et qui peuvent être appliquées dans l’algorithme ci-dessus. Il est facile de créer de nouvelles variables en répartissant les enregistrements en déciles sur la base du jour d’interview (v016 dans une EDS) et du numéro de ménage (v002). (Ces variables ont été choisies parce qu’il est peu vraisemblable qu’elles soient corrélées avec la mortalité des jeunes enfants). Ces nouvelles variables prendront des valeurs dans l’intervalle (0, 1 … 9). En divisant ces valeurs par 10 et en ajoutant 0,05 on obtient deux nouvelles variables distribuées uniformément, aléa1 et aléa2, qui prennent des valeurs dans l’intervalle (0,05, 0,15, …, 0,95).

Il est ensuite facile d’imputer une date de naissance (ddn, en mois), si les naissances du mois de l’interview sont exclues de l’analyse, en ajoutant aléa1 à b3 (la date de naissance en nombre de mois depuis le 1er janvier 1900). La méthode d’imputation de l’âge au décès (en unités mensuelles) dépend de l’’unité’. Quand ‘unité’ = 1 (c’est-à-dire que l’âge au décès est mesuré en jours), l’âge au décès (aad) peut être estimé comme (‘valeur’+ aléa2)/31 (quand l’âge au décès est en jours, ce n’est pas nécessaire, mais nous le présentons ici pour être systématique) ; quand ‘unité’ = 2, l’âge au décès est ‘valeur’ + aléa2, et quand ‘unité’ = 3, l’âge au décès est (‘valeur’ + aléa2)*12.

Etape 2: Situer les décès au cours de l’année étudiée

Pour chaque taux de mortalité par mois d’âge, les événements sont les décès à cet âge au cours de la période étudiée. L’étape 1 a imputé l’âge au décès en mois. La date de décès ddd est égale à la somme du mois de naissance imputé ddn et de l’âge au décès imputé aad. Si l’âge au décès imputé appartient à l’intervalle d’âge et si la date de décès imputée tombe dans la période étudiée, l’événement est retenu.

Etape 3: Calcul de l’exposition au risque

Le calcul de l’exposition au risque est subtil, mais relativement direct. L’intervalle d’âge se réfère aux âges (définis dans les unités appropriées) pour lesquels nous voulons mesurer la mortalité. Nous désignons la limite basse de l’intervalle d’âge comme xl et la limite haute comme xh.

La période étudiée est la mesure de l’intervalle de temps pour laquelle nous cherchons à estimer la mortalité ; elle est définie comme la période (t2 – t1), où t2 est la date de fin de la période étudiée et t1 la date de début, mesurées dans les mêmes unités que celle définie par l’intervalle d’âge.

Graphiquement nous cherchons ensuite à mesurer la mortalité à l’âge et dans la période définis par les lignes épaisses sur la figure 2.

Figure 2 Diagramme de Lexis illustrant le calcul de l’exposition au risque 298 [6]

La trajectoire d’un individu par âge et période s’inscrit sur une diagonale (comme dans un diagramme de Lexis classique). Cinq scénarios possibles sont représentés, étiquetés de (a) à (e). La position d’un individu dans l’espace peut être définie par son âge à t1, xt1. Il s’ensuit que toute personne âgée de x à t1, si elle ne décède pas avant t2, doit être âgée de xt2 = xt1 +(t2 – t1) à t2. Nous définissons l’âge au décès des personnes décédées dans un intervalle d’âge donné au cours de la période étudiée comme xd. La contribution relative de chaque scenario à l’exposition au risque est déterminée par l’algorithme du tableau 2.

Tableau 2 Algorithme pour déterminer l’exposition au risque

Scenario

Description

Règle(s) de définition

Exposition des survivants au cours de la
période étudiée

Exposition de décédés (quand le décès survient au cours de la
période étudiée)

(a)

Agé de plus de xh en t1

xt1 > xh

0

0

(b)

Agé entre xl et xh en t1. Atteint xh au cours de la période étudiée

xl < xt1 < xh

xt1 + (t2 - t1) > xh

xh - xt1

xd - xt1

(c)

Atteint xl et xh au cours de la période étudiée

xl > xt1

xt1 + (t2 - t1) > xh

xh - xl

xd - xl

(d)

Atteint xl au cours de la période étudiée mais la période se termine avant que xh soit atteint

xl > xt1

xl < xt1+(t2 - t1) < xh

xt1 + (t2 - t1) > xl

xd - xl

(e)

N’atteint pas xl au cours de la période étudiée

xt1 + (t2 - t1) < xl

0

0

En appliquant ces règles à chaque individu pour définir l’exposition au risque dans l’intervalle d’âge au cours de la période étudiée et en agrégeant, on obtient l’exposition totale au risque, qui est le dénominateur du taux de mortalité. La somme des décès survenus dans l’intervalle d’âge au cours de la période étudiée fournit le numérateur.

Etape 4: Pondération et cumul des événements et de l’exposition au risque

La variable de pondération dans un fichier EDS standard est v005. Elle a une moyenne de 1 000 000. Pour éviter de donner l’impression que l’échantillon est énorme (et que les intervalles de confiance sont très étroits), nous recommandons d’abord de recalculer les pondérations et de définir une nouvelle variable wgt = v005/1 000 000. Les taux de mortalité peuvent être calculés en tenant compte des contributions de chacun des N enfants dans l’enquête au nombre des événements et au temps total d’exposition. Le taux de mortalité par âge aux âges x à x + 1 (en mois) au cours d’une période j est

M( x,j )= ∑ i=1 N D( i,x,j ).wgt( i ) ∑ i=1 N E( i,x,j ).wgt( i )

où D(i,x,j) est une variable binaire indiquant le décès de l’enfant i à l’âge x l’année j (1 si le décès survient, sinon 0), E(i,x,j) est le temps d’exposition de l’enfant i à l’âge x l’année j, et où wgt(i) est la pondération d’échantillonnage (moyenne 1,0) de l’enfant i.

Etape 5: Calcul des probabilités de décéder à partir des taux de mortalité par âge

Les taux calculés à l’étape 4 sont par mois d’âge d’exposition. Il est donc nécessaire d’en tenir compte en adaptant la formule classique de passage d’un taux à une probabilité de décéder par période. Comme nous avons fait diverses hypothèses simplificatrices et que nous travaillons avec des intervalles d’âge étroits, il convient de supposer que les décès sont distribués régulièrement entre chaque intervalle d’âge mensuel. Nous pouvons donc calculer q(x) comme

q( x,j )= M( x,j ) 12 ( 1+ M( x,j ) 24 )

Les probabilités de survie de la naissance jusqu’à n’importe quel âge peuvent être obtenues en combinant les probabilités de survie mensuelles (c’est-à-dire (1 - q(x,j))). Ainsi par exemple

q 5 0 j =1− ∏ x=0 59 ( 1−q( x,j ) )

Exemple

Comme on l’a dit, l’estimation directe de la mortalité des jeunes enfants à partir des historiques de naissances s’appuie sur l’utilisation des enregistrements individuels plutôt que sur des tableaux de données agrégées. C’est pourquoi l’exemple que nous prenons illustre la méthode à partir d’un nombre restreint d’enregistrements tirés d’une EDS, plus précisément la mortalité des enfants âgés de 5 mois en 2002 d’après l’EDS 2004 du Malawi. Seuls les enfants nés entre le 1er juillet 2001 et le 31 juillet 2002 sont exposés au risque de décéder à l’âge de 5 mois au cours de l’année 2002 (les enfants nés avant le 1er juillet 2002 seraient âgés de 6 mois ou plus au début de l’année 2002, et ceux nés après le 31 juillet 2002 n’auraient pas atteint l’âge de 5 mois au cours de l’année). Nous n’avons fait figurer que les enregistrements pertinents, c’est-à-dire ceux correspondant à des naissances entre les mois 1218 et 1230 (en nombres de mois depuis le 1er janvier 1900, soit de juillet 2001 à juillet 2002). Dans la pratique, nous exclurions aussi les naissances ayant donné lieu à un décès avant cinq mois d’âge, mais nous les garderons dans l’exemple pour montrer que nous les excluons des calculs.

Le tableau 3 présente les variables essentielles pour 50 enregistrements tirés de l’EDS 2004 du Malawi. Ce sont des enregistrements de naissances, pas de femmes.

Tableau 3 Données de base d’histoires génésiques pour l’estimation directe de la mortalité des jeunes enfants

Enregistrement

b3

b5

b6

v005

1

1223

oui

.

469061

2

1223

oui

.

469061

3

1222

non

107

469061

4

1224

oui

.

469061

5

1223

oui

.

469061

6

1218

non

205

469061

7

1230

oui

.

2171218

8

1225

oui

.

704240

9

1230

oui

.

704240

10

1224

oui

.

704240

11

1224

non

202

704240

12

1221

oui

.

1106470

13

1225

oui

.

1106470

14

1224

non

205

1106470

15

1221

oui

.

1106470

16

1221

oui

.

1106470

17

1218

non

205

1106470

18

1229

oui

.

3900164

19

1230

oui

.

1247934

20

1224

oui

.

1247934

21

1226

non

201

1247934

22

1221

oui

.

537170

23

1218

oui

.

537170

24

1227

oui

.

537170

25

1226

oui

.

537170

26

1224

oui

.

1095220

27

1230

non

205

1594776

28

1225

oui

.

1594776

29

1221

oui

.

1594776

30

1225

oui

.

1594776

31

1229

non

208

1538303

32

1223

oui

.

1538303

33

1220

oui

.

1538303

34

1226

oui

.

1538303

35

1225

oui

.

1538303

36

1220

oui

.

1538303

37

1224

non

205

1538303

38

1228

oui

.

1538303

39

1219

oui

.

3789587

40

1228

oui

.

2011510

41

1223

non

302

2011510

42

1220

oui

.

2011510

43

1220

oui

.

2011510

44

1221

oui

.

686252

45

1228

non

201

686252

46

1229

oui

.

2451926

47

1219

oui

.

2451926

48

1219

oui

.

1043244

49

1224

oui

.

1043244

50

1230

non

205

1043244

 

Etape 1: Traitement de l’âge au décès et calcul de la date de naissance et de l’âge au décès estimés

Les nombres aléatoires aléa1 et aléa2 sont établis comme il a été expliqué plus haut. Il en résulte les valeurs révisées des dates de naissance et âge au décès, ddn’ et aad’. La date de décès ddd’ est estimée comme la somme du mois de naissance imputé ddn’ et du mois de décès imputé aad’. Les ddd’ figurent à la colonne 10 du tableau 4.

Tableau 4 Calcul de la date de naissance, de l’âge au décès et de la date de décès imputés. Malawi, EDS 2004 (50 observations)

Enregis
trement

b3

b5

b6

v005

aléa1

aléa2

ddn'

aad'

ddd'

1

1223

oui

.

469061

0,55

 

1223,55

 

 

2

1223

oui

.

469061

0,85

 

1223,85

 

 

3

1222

non

107

469061

0,15

0,05

1222,15

0,28

1222,43

4

1224

oui

.

469061

0,25

 

1224,25

 

 

5

1223

oui

.

469061

0,25

 

1223,25

 

 

6

1218

non

205

469061

0,05

0,45

1218,05

5,45

1223,5

7

1230

oui

.

2171218

0,55

 

1230,55

 

 

8

1225

oui

.

704240

0,55

 

1225,55

 

 

9

1230

oui

.

704240

0,25

 

1230,25

 

 

10

1224

oui

.

704240

0,35

 

1224,35

 

 

11

1224

non

202

704240

0,55

0,75

1224,55

2,75

1227,3

12

1221

oui

.

1106470

0,45

 

1221,45

 

 

13

1225

oui

.

1106470

0,75

 

1225,75

 

 

14

1224

non

205

1106470

0,85

0,25

1224,85

5,25

1230,1

15

1221

oui

.

1106470

0,35

 

1221,35

 

 

16

1221

oui

.

1106470

0,45

 

1221,45

 

 

17

1218

non

205

1106470

0,95

0,65

1218,95

5,65

1224,6

18

1229

oui

.

3900164

0,45

 

1229,45

 

 

19

1230

oui

.

1247934

0,65

 

1230,65

 

 

20

1224

oui

.

1247934

0,65

 

1224,65

 

 

21

1226

non

201

1247934

0,75

0,85

1226,75

1,85

1228,6

22

1221

oui

.

537170

0,65

 

1221,65

 

 

23

1218

oui

.

537170

0,85

 

1218,85

 

 

24

1227

oui

.

537170

0,95

 

1227,95

 

 

25

1226

oui

.

537170

0,85

 

1226,85

 

 

26

1224

oui

.

1095220

0,95

 

1224,95

 

 

27

1230

non

205

1594776

0,15

0,65

1230,15

5,65

1235,8

28

1225

oui

.

1594776

0,15

 

1225,15

 

 

29

1221

oui

.

1594776

0,85

 

1221,85

 

 

30

1225

oui

.

1594776

0,05

 

1225,05

 

 

31

1229

non

208

1538303

0,65

0,85

1229,65

8,85

1238,5

32

1223

oui

.

1538303

0,45

 

1223,45

 

 

33

1220

oui

.

1538303

0,15

 

1220,15

 

 

34

1226

oui

.

1538303

0,55

 

1226,55

 

 

35

1225

oui

.

1538303

0,95

 

1225,95

 

 

36

1220

oui

.

1538303

0,45

 

1220,45

 

 

37

1224

non

205

1538303

0,25

0,85

1224,25

5,85

1230,1

38

1228

oui

.

1538303

0,35

 

1228,35

 

 

39

1219

oui

.

3789587

0,35

 

1219,35

 

 

40

1228

oui

.

2011510

0,15

 

1228,15

 

 

41

1223

non

302

2011510

0,65

0,55

1223,65

30,6

1254,25

42

1220

oui

.

2011510

0,35

 

1220,35

 

 

43

1220

oui

.

2011510

0,25

 

1220,25

 

 

44

1221

oui

.

686252

0,95

 

1221,95

 

 

45

1228

non

201

686252

0,85

0,35

1228,85

1,35

1230,2

46

1229

oui

.

2451926

0,25

 

1229,25

 

 

47

1219

oui

.

2451926

0,05

 

1219,05

 

 

48

1219

oui

.

1043244

0,85

 

1219,85

 

 

49

1224

oui

.

1043244

0,95

 

1224,95

 

 

50

1230

non

205

1043244

0,35

0,35

1230,35

5,35

1235,7

 

Etape 2: Situer les décès au cours de l’année étudiée

Nous retenons les décès survenus entre les mois 1224 et 1235 (dans une numérotation depuis janvier 1900). Les décès correspondant aux enregistrements 3, 6, 31 et 41 au tableau 4 sont donc exclus car ils ne se sont pas produits en 2002. Les décès des enregistrements 11 et 45 ne sont pas pris en compte ici car les enfants sont décédés respectivement à l’âge de 2 mois et 1 mois et ne sont donc pas exposés au risque de décéder à 5 mois.

Etape 3: Calcul de l’exposition au risque

Le tableau 5 présente le calcul de l’exposition au risque pour les 50 cas retenus. La règle de détermination de l’exposition figure dans la colonne ‘Scenario’. L’exposition qui en résulte figure aux deux colonnes suivantes pour ceux qui survivent au-terme de la période étudiée et pour ceux qui décèdent au cours de la période.

Pour les enfants qui survivent à l’âge de 6 mois, ceux nés les mois 1219 à 1229 comptent pour un mois entier d’exposition au cours de l’âge-période considéré (c’est-à-dire de 5 mois à 6 mois exacts). Ainsi l’enregistrement 1 (né en 1223,55) contribue pour un mois entier. Un enfant né le mois 1218 contribuera pour (ddn – 1218) mois et donc l’enregistrement 23 (né en 1218,85) contribue pour 0,85 mois. Un enfant né le mois 1230 contribuera pour (1231 – ddn) mois et donc l’enregistrement 7 contribue pour 1231 – 1230,55 = 0,45 mois. Les enfants nés les mois 1219 à 1229 qui décèdent à 5 mois d’âge contribueront pour (aad – 5) mois d’exposition ; ainsi le décès dans l’enregistrement 14 survient à 5,25 mois et contribue pour 0,25 mois d’exposition.

Tableau 5 Calcul de l’exposition au risque pour l’estimation de la mortalité des jeunes enfants. Malawi, EDS 2004 (50 observations)

 

 

 

 

 

 

Exposition au risque

Pondéré

Enregis
trement

ddn'

aad'

ddd'

v005

Scenario

Survivants

Décès

Exposition

Décès

1

1223,55



469061

c

1


0,469


2

1223,85



469061

c

1


0,469


3

1222,15

0,25

1222,4

469061

N/A

N/A

N/A

0,000


4

1224,25



469061

c

1


0,469


5

1223,25



469061

c

1


0,469


6

1218,05

5,45

1223,5

469061

N/A

N/A

N/A

0,000


7

1230,55



2171218

d

0,45


0,977


8

1225,55



704240

c

1


0,704


9

1230,25



704240

d

0,75


0,528


10

1224,35



704240

c

1


0,704


11

1224,55

2,75

1227,3

704240

c

1


0,704


12

1221,45



1106470

c

1


1,106


13

1225,75



1106470

c

1


1,106


14

1224,85

5,25

1230,1

1106470

c


0,25

0,277

1,106

15

1221,35



1106470

c

1


1,106


16

1221,45



1106470

c

1


1,106


17

1218,95

5,65

1224,6

1106470

b


0,6

0,664

1,106

18

1229,45



3900164

c

1


3,900


19

1230,65



1247934

d

0,35


0,437


20

1224,65



1247934

c

1


1,248


21

1226,75

1,85

1228,6

1247934

c

1


1,248


22

1221,65



537170

c

1


0,537


23

1218,85



537170

b

0,85


0,457


24

1227,95



537170

c

1


0,537


25

1226,85



537170

c

1


0,537


26

1224,95



1095220

c

1


1,095


27

1230,15

5,65

1235,8

1594776

d


0,65

1,037

1,595

28

1225,15



1594776

c

1


1,595


29

1221,85



1594776

c

1


1,595


30

1225,05



1594776

c

1


1,595


31

1229,65

8,85

1238,5

1538303

c

1


1,538


32

1223,45



1538303

c

1


1,538


33

1220,15



1538303

c

1


1,538


34

1226,55



1538303

c

1


1,538


35

1225,95



1538303

c

1


1,538


36

1220,45



1538303

c

1


1,538


37

1224,25

5,85

1230,1

1538303

c


0,85

1,308

1,538

38

1228,35



1538303

c

1


1,538


39

1219,35



3789587

c

1


3,790


40

1228,15



2011510

c

1


2,012


41

1223,65

32,35

1256

2011510

c

1


2,012


42

1220,35



2011510

c

1


2,012


43

1220,25



2011510

c

1


2,012


44

1221,95



686252

c

1


0,686


45

1228,85

1,35

1230,2

686252

c

1


0,686


46

1229,25



2451926

c

1


2,452


47

1219,05



2451926

c

1


2,452


48

1219,85



1043244

c

1


1,043


49

1224,95



1043244

c

1


1,043


50

1230,35

5,35

1235,7

1043244

d


0,35

0,365

1,043

TOTAL

 

 

 

 

 

 

 

59,317

6,389

 

Etape 4: Pondération et cumul des événements et de l’exposition au risque

L’étape finale avant le calcul du taux de mortalité consiste à tenir compte de la pondération d’échantillonnage de chaque enregistrement à la fois pour les décès et pour le temps d’exposition, puis à faire la somme des décès et des expositions. Les colonnes 6 et 7 du tableau 5 présentent l’exposition au risque des survivant et des décédés. Les colonnes 8 et 9 résultent de la multiplication des colonnes 6 et 7 respectivement par la pondération d’échantillonnage v005/ 1 000 000. Le taux de mortalité par âge M(5,2002) est ensuite calculé en divisant la somme des décès pondérés par la somme des temps d’exposition pondérés :

 M(x,j)= ∑ i=1 N D(i,x,j)×wgt(i) ∑ i=1 N E(i,x,j)×wgt(i) = 6,389 59,317 =0,1077 . 

Etape 5: Calcul des probabilités de décéder à partir des taux de mortalité par âge

Les taux calculés à l’étape 4 sont par mois d’exposition. Il est donc nécessaire d’en tenir compte en adaptant la formule classique de passage d’un taux à une probabilité de décéder par période. Comme nous avons fait diverses hypothèses simplificatrices et que nous travaillons avec des intervalles d’âge étroits, il convient de supposer que les décès sont distribués régulièrement entre chaque intervalle d’âge mensuel, même pour le premier mois de vie. Nous pouvons donc calculer q(x) comme

q(5,2002)= M(5,2002) 12 (1+ M(5,2002) 24 ) = 0,1077 12 (1+ 0,1077 24 ) = 0,008975 1+0,004488 =0,008935 . 

Une fois tous les q(x,j) calculés, ils peuvent être transformés en leurs compléments, les probabilités de survie qui, combinées entre elles, donnent les probabilités de survivre et de décéder jusqu’aux différents âges.

Pour obtenir des taux et des probabilités couvrant des périodes de plusieurs années, les sommes pondérées obtenues à l’étape 4 le sont sur toutes ces années. L’étape 5 reste la même.

Notez que la procédure décrite ici diffère de celle utilisée par les EDS, qui consiste à calculer les probabilités directement pour des quasi-cohortes (Rutstein and Rojas 2003). Les calculs sont faits dans huit groupes d’âge : néonatal, 1-2 mois, 3-5 mois, 6-11 mois et année par année de 1 à 4 ans. Pour chaque intervalle d’âge, les décès de la période sont déterminés à partir de la date de naissance et de l’âge au décès. Le nombre d’enfants exposés au risque est obtenu par approximation du nombre d’enfants qui entrent dans un intervalle d’âge au cours de la période. Cette approximation est la somme de tous les enfants qui entrent dans l’intervalle d’âge et qui en sortent (ou qui le feraient s’ils survivaient) au cours de la période, plus la moitié de ceux qui entrent dans l’intervalle d’âge au cours de la période mais qui en sortiraient après la période, plus la moitié de ceux qui sont entrés dans l’intervalle d’âge avant le début de la période mais qui en sortiraient au cours de la période.

Quelle que soit la procédure utilisée, il est nécessaire de disposer de données individuelles tirées des histoires génésiques complètes. Les calculs peuvent être réalisés à l’aide de tableaux détaillés, mais ce serait très fastidieux. Nous recommandons fortement le recours à des outils informatiques adaptés.

Interprétation

Quand on interprète les résultats, on doit avoir présent à l’esprit le risque de biais de sélection des répondantes, dû au fait que l’information est fournie par les femmes survivantes au sein des ménages enquêtés. En particulier, la mortalité des enfants nés dans un groupe auquel leurs mères n’appartiennent plus au moment de l’enquête n’est pas incluse dans les mesures. Si ces enfants ont une mortalité plus élevée que ceux nés de mères qui appartiennent encore au groupe, la mortalité sera sous-estimée. Le biais le plus important est sans doute celui qui résulte d’une prévalence élevée du VIH dans le groupe, car une telle prévalence, en l’absence d’un recours massif à la thérapie antirétrovirale, entraine une forte corrélation positive entre la survie de l’enfant et la survie de la mère (voir la section relative aux effets du VIH/Sida sur l’estimation de la mortalité des jeunes enfants [4]). Mais dans toute population, il est fort probable qu’il y ait une certaine corrélation positive entre la survie de la mère et celle de l’enfant. Il peut y avoir d’autres sources de biais. Par exemple, quand l’immigration est importante, des femmes déclarent des enfants nés et élevés ailleurs, alors qu’une émigration importante élimine des réponses relatives à des enfants nés et élevés dans le groupe. Il est impossible de savoir a priori le sens et l’ampleur de tels biais, mais l’analyste doit avoir leur éventuel effet présent à l’esprit. Les non-réponses peuvent aussi être un problème si des femmes absentes durablement ne peuvent pas être interviewées personnellement, et si cette absence a une influence sur la mortalité de leurs enfants ou si cette absence est en partie due aux risques différents subis par leurs enfants.

Extension de la méthode : histoires génésiques tronquées

L’histoire génésique tronquée : Evaluation de la qualité des données

L’histoire génésique tronquée offre moins de possibilités de contrôles de qualité des données que l’histoire génésique complète, du fait même que la série d’événements déclarés est tronquée. Si la troncature porte sur la période, les événements déclarés doivent être représentatifs de la période couverte, alors que si la troncature porte sur le nombre d’événements, les événements déclarés peuvent être représentatifs seulement de l’ensemble des événements sur une courte période antérieure à l’enquête, et ceci va compliquer toute évaluation de la qualité de la suite des événements au fil du temps.

Comme pour l’histoire génésique complète, la première étape doit être un examen des données en valeur manquante. La deuxième étape doit impliquer l’examen des rapports de masculinité à la naissance et de l’attraction de certains âges au décès.

Il n’est pas possible d’envisager directement l’existence de transfert des naissances, puisqu’on ne dispose pas d’information détaillée sur les dates de naissance antérieures au point de troncature. Mais une évaluation indirecte est possible. Une histoire génésique tronquée devrait toujours commencer par le recueil d’une histoire génésique résumée. Les naissances et les décès de jeunes enfants pour les femmes d’un groupe d’âge à l’enquête peuvent donc être calculés à la fois à la date de l’enquête (à partir de l’histoire génésique résumée) et (avec une approximation pour les décès) à la date de troncature, en retranchant les naissances et les décès déclarés dans l’histoire génésique tronquée. Le calcul est précis pour les naissances, mais il est approximatif pour les décès de jeunes enfants car certains de ceux qui ont été déclarés dans l’histoire résumée se seront produits dans la période d’après troncature tout en concernant des enfants nés avant celle-ci ; mais le nombre de ces décès sera généralement faible, du fait que les risques de mortalité diminuent rapidement à mesure que les enfants avancent en âge. L’évaluation de la qualité des données s’appuie donc sur la comparaison entre la proportion d’enfants décédés (par groupe d’âge de la mère au moment de l’enquête) parmi les enfants nés après la date de troncature et celle parmi les enfants nés avant cette date.

La première proportion (enfants nés après la date) sera généralement inférieure à la seconde pour deux raisons. Tout d’abord, les enfants auront été exposés moins longtemps au risque de décéder. Ensuite, si la mortalité diminue au fil des années, ils auront aussi été exposés à des risques moindres aux différents âges. Mais si les enfants décédés sont systématiquement omis de la période post-troncature, ou s’ils sont déclarés dans l’histoire génésique résumée mais pas déclarés comme étant nés au cours de la période, le ratio des deux sera surestimé du fait des erreurs dans les données. Nous pouvons estimer un ratio vraisemblable en l’absence d’erreur à partir d’une histoire génésiques complète pour la même population à une date antérieure ou postérieure. Le tableau 6 présente des données pour la Mongolie, tirées de trois enquêtes sur la santé reproductive, une en 1998 qui incluait une histoire génésique complète et deux – en 2003 et 2008 – qui n’ont recueilli que des histoires tronqués. Les données de l’histoire génésique complète en 1998 sont utilisées pour calculer les proportions d’enfants décédés avant et après une date de troncature définie comme dans les enquêtes ultérieures ; les résultats sont ensuite comparés aux proportions calculées à partir des histoires tronquées en 2003 et 2008. Comme on peut le voir, les ratios tirés des histoires tronquées sont largement supérieurs à ceux tirés des histoires complètes, ce qui démontre clairement l’existence d’un transfert des enfants décédés hors de la période post-troncature. En l’absence d’une référence propre au pays , comme celle que fournit l’enquête de 1998 pour la Mongolie, on doit tenir des ratios de 3 ou plus comme preuve d’une omission probable d’enfants décédés au cours de la période de référence récente.

Tableau 6 Proportions d’enfants décédés selon que la naissance s’est produite avant ou après la date de troncature, Mongolie, Enquêtes sur la santé reproductive 1998, 2003 et 2008

Groupe d’âge

1998 (historique complet)

 

2003 (historique tronqué)

 

2008 (historique tronqué)

Proportion enfants décédés

Proportion enfants décédés

Proportion enfants décédés

Avant

Après

Ratio

Avant

Après

Ratio

Avant

Après

Ratio

20-24

0,106

0,070

1,5

 

0,222

0,035

6,3

 

0,052

0,041

1,2

25-29

0,140

0,061

2,3

 

0,122

0,036

3,4

 

0,083

0,024

3,5

30-34

0,128

0,082

1,6

 

0,117

0,022

5,4

 

0,081

0,015

5,3

35-39

0,072

0,064

1,1

 

0,120

0,025

4,7

 

0,097

0,010

10,2

40-44

0,119

0,068

1,8

 

0,150

0,051

3,0

 

0,095

0,010

9,6

45-49

0,213

0,000

*

 

0,066

0,048

1,4

 

0,119

0,000

*

 

L’histoire génésique tronquée : Calcul des indicateurs de mortalité des jeunes enfants par cohorte

Le calcul des probabilités de décès par cohorte à partir d’histoires génésiques tronquées suit le même principe que celui observé avec des histoires génésiques complètes : la probabilité de décéder avant l’âge x est égale au rapport entre le nombre d’enfants décédés et le nombre d’enfants nés vivants dans une cohorte née au moins x années avant l’enquête. Il y a toutefois une différence importante, clairement mise en évidence sur le diagramme de Lexis de la figure 1 : la valeur de x est contrainte par la date de troncature. Par exemple, si la date de troncature se situe 5 ans avant l’enquête, aucune cohorte de naissance n’aura été pleinement exposée au risque complet de décéder avant l’âge de 5 ans, et les cohortes pleinement exposées au risque jusqu’à l’âge de 2 ans seront constituées des naissances survenues 2, 3 et 4 ans avant l’enquête. Il y a donc des limites aux âges pour lesquels des indicateurs de mortalité peuvent être calculés.

L’histoire génésique tronquée : Calcul des indicateurs de mortalité des jeunes enfants par période

Fondamentalement, le calcul des indicateurs classiques à partir d’histoires génésiques tronquées suit les mêmes principes que lorsqu’on utilise des histoires génésiques complètes : calculer des taux par âge pour une période donnée, les convertir en estimations des probabilités de décéder dans des intervalles d’âge successifs, et appliquer les probabilités à une cohorte synthétique de naissance pour créer une table de mortalité. Le problème dans ce type d’analyse des histoires tronquées est le même que celui rencontré lors du calcul des indicateurs de cohortes, puisque le nombre de cas et le temps d’exposition au risque se réduisent progressivement à mesure que l’âge augmente. Ainsi, si le point de troncature se situe cinq ans avant l’enquête, les mesures aux âges de 3 et 4 ans s’appuieront sur de petits nombres et elles seront entourées d’une large marge d’erreur.

Références

Preston SH, P Heuveline and M Guillot. 2001. Demography: Measuring and Modelling Population Processes. Oxford: Blackwell.

Rutstein S and G Rojas. 2003. Guide to DHS Statistics. Calverton, MD: ORC Macro.

Estimation de la mortalité des jeunes enfants à partir des données des établissements de santé : la technique de la naissance précédente

Auteur: 
Hill AG

Contexte

Dans le chapitre d’introduction à l’analyse de la mortalité des jeunes enfants [3], nous avons déjà attiré l’attention sur la possibilité d’utiliser les données collectées dans les établissements de santé pour mesurer la mortalité de la petite enfance. Si on met pour l’instant à part les questions de sélection, la technique la plus utile pour obtenir ces mesures de la mortalité s’appuie sur une question simple posée à une mère qui attend un prochain enfant ou qui le met au monde. Nous désignerons cet enfant comme l’enfant de référence (en anglais index child). Il s’agit de savoir si la précédente naissance vivante est encore en vie ou décédée au moment où sa mère est interrogée pendant la grossesse ou lors de l’accouchement de l’enfant de référence. Pour un ensemble de mères (généralement au moins un millier de répondantes), les proportions d’enfants décédés parmi les enfants nés vivants précédents sont d’abord calculées puis converties en une mesure de la mortalité de la petite enfance. Cette mesure est souvent voisine de 2q0 mais elle peut se rapprocher davantage de 3q0 si les intervalles entre naissances sont longs. Des variantes de la méthode peuvent consister à obtenir les proportions d’enfants précédents décédés avant l’accouchement de l’enfant de référence, par exemple au moment d’une visite prénatale, ou après l’accouchement de l’enfant de référence, pour les convertir en mesure de la survie des jeunes enfants.

L’information sur la survie des enfants recueillie de cette façon auprès des hôpitaux, des cliniques ou autres centres de santé présente plusieurs caractéristiques attrayantes. Premièrement, le recours à des enquêtes et études spéciales est évité, car l’information fait souvent partie d’un système sanitaire d’enregistrement régulier. Deuxièmement, quand l’information provient d’établissements de santé, des informations complémentaires qu’il est difficile d’obtenir dans des enquêtes rétrospectives peuvent être obtenues relativement aisément. Il s’agit de caractéristiques de la mère ainsi que des naissances, dont le sexe, le rang de naissance et le poids à la naissance. Troisièmement, les données peuvent être désagrégées et fournir des estimations détaillées pour certains établissements de santé (quand la population dans le bassin de recrutement est suffisamment nombreuse), pour des villes et de petites provinces. Cette information à un niveau géographique fin peut être précieuse si les autorités de santé veulent cibler les groupes ayant les taux de mortalité infantiles ou juvéniles les plus élevés. Des tendances au niveau local peuvent aussi servir à apprécier l’efficacité qu’ont eue des actions sanitaires. Enfin, les données des établissements de santé étant généralement recueillies par des personnels éduqués, on peut s’attendre à ce qu’elles soient raisonnablement précises. Par ailleurs, des répondantes placées dans un contexte médical peuvent être mieux préparées que lors d’enquêtes à domicile à déclarer des événements qui peuvent être perçus comme stigmatisants (la distinction entre naissances vivantes, mort-nés, avortements et fausses couches) ou pénibles à rappeler (un décès néonatal ou infantile).

Origine des méthodes basées sur la technique de l’enfant précèdent

La technique a ses origines dans une étude sur la mortalité dans les Iles Salomon dans les années 1980. Au cours de cette étude, il est apparu que parmi les informations régulièrement recueillies dans les maternités figuraient des réponses aux questions sur le nombre d’enfants déjà nés et survivants ainsi qu’une question sur la survie de l’enfant précédent, si la mère accouchait d’un deuxième enfant ou d’un enfant de rang plus élevé, l’enfant de référence (voir figure 1). Brass et Macrae se sont efforcés de montrer comment ces données pouvaient être rattachées aux mesures habituelles de la survie des jeunes enfants, estimées à partir d’histoires génésiques résumées et des proportions d’enfants décédés parmi les naissances précédentes (Brass and Macrae 1984, 1985). Deux méthodes ont été proposées. L’intérêt pour la technique de la naissance précédente a été immédiat, car elle fournit une estimation de la mortalité de la petite enfance proche de la période en cours. La base théorique de la méthode a été étendue et développée pour permettre des applications aux données de survie de l’enfant précédent recueillies avant ou après une naissance (Aguirre 1994; Aguirre and Hill 1988; Hill and Aguirre 1990). La seconde méthode (Brass and Macrae 1985), fondée sur les nombres totaux d’enfants déjà nés et survivants, est plus élaborée et plus compliquée d’application ; elle n’est pas présentée ici.

Par la suite, d’autres chercheurs ont appliqué la technique de l’enfant précédent dans diverses circonstances, avec différents objectifs – par exemple, dans des camps de réfugiés, pour mesurer les taux d’avortement dans des consultations prénatales, pour des estimations sur petits domaines et pour mesurer l’impact d’actions sanitaires (Bicego, Augustin, Musgrave et al. 1989; Madi 2000; Oliveras, Ahiadeke, Adanu et al. 2008; Rowe, Onikpo, Lama et al. 2011). Dans une étude dans un site de surveillance démographique où les naissances et les décès étaient enregistrés de façon fiable et indépendante, on a montré que de bons résultats pouvaient être obtenus, alors que la contraception était largement diffusée et que les intervalles entre naissances s’étaient allongés, aussi bien avec des données recueillies dans des consultations prénatales plutôt qu’en maternité ou au moment de la première vaccination du nouveau-né (Bairagi, Shuaib and Hill 1997).

Précautions et mises en garde

L’analyste est confronté à plusieurs difficultés au moment d’utiliser des données sur la mortalité des jeunes enfants recueillies dans des établissements de santé. La plus importante tient au fait que la population fréquentant ces établissements n’est pas sélectionnée aléatoirement. Les biais qui en résultent sont importants à plusieurs titres.

Le premier biais est dû à la couverture incomplète de la population par les établissements de santé, à la fois publics et privés. Cette sélection fonctionne de différentes façons. Souvent, la population urbaine accède plus facilement aux établissements de santé que la population rurale. Le recours aux services de santé modernes augmente avec le niveau de vie et le niveau d’instruction des personnes. D’où un biais dans les estimations de la mortalité infantile et juvénile, qui tendent à être trop optimistes. Mais dans certains cas, le biais peut jouer à l’inverse. Les centres de référence, qui incluent généralement la maternité centrale ou les hôpitaux universitaires, ont souvent des résultats moins favorables que les centres périphériques, parce que les cas les plus compliqués nécessitant des interventions chirurgicales et d’autres formes de soins avancés leur sont adressés. Les estimations pour de tels établissements tendront donc à surestimer la mortalité infantile et juvénile.

Le premier biais est d’autant moins sensible que les taux de couverture des établissements de santé utilisés comme source de données sont eux-mêmes élevés. En Afrique subsaharienne, d’après les enquêtes EDS les plus récentes dans 38 pays, 51 % des mères ont accouché dans un établissement de santé, 76,5 % des mères en zone urbaine. Les proportions sont encore plus élevées pour les visites prénatales : 93 % des femmes ont été vues par un médecin ou du personnel médical dans les zones urbaines et 76 % dans les zones rurales, une proportion étonnante (Macro International Inc 2012). Grâce à ces taux de couverture élevés, il est possible de traiter certains des biais associés à la couverture incomplète de la population. C’est pourquoi nous présentons plus loin une méthode pour estimer la mortalité de la petite enfance à partir des proportions d’enfants précédents décédés quand les mères se rendent à des consultations prénatales ou même à des centres de vaccination. Ces options sont présentées plus loin dans la section ‘Extensions’.

Quand la couverture de la population par les établissements de santé est beaucoup plus basse, le biais de sélection est nettement plus élevé. On peut utiliser des données d’enquêtes ou du recensement sur l’ensemble de la population pour ajuster les statistiques des établissements de santé, en comparant les caractéristiques des utilisateurs et des non utilisateurs des services de santé. Une complication vient de ce que de nombreux pays s’efforcent d’étendre la couverture de leurs services de santé. Il peut en résulter l’inclusion de nouveaux groupes de population ayant des schémas de mortalité spécifiques dans la base de données sur la survie des jeunes enfants. Ces modifications de couverture peuvent rendre difficile l’interprétation des évolutions au fil du temps. Toutefois dans la plupart des populations de grande taille, l’installation de nouveaux établissements prend du temps et la couverture n’évolue que lentement.

La seconde source de biais systématique est le fait que presque toutes les femmes qui viennent dans les maternités et les centres de santé le font parce qu’elles sont sur le point d’avoir un enfant. Toutes les informations obtenues de ces femmes sont propres à ces moments de leur vie reproductive. Il en va différemment dans les enquêtes sur des échantillons aléatoires, où les femmes sont interrogées indépendamment de leur position dans leur parcours reproductif, les informations qu’elles donnent étant donc représentatives des déclarations de l’ensemble des femmes ou des femmes de toutes parités. Un ajustement a été proposé pour que les données obtenues dans les établissements de santé sur le nombre total d’enfants déjà nés et décédés se rapprochent davantage des données dans les enquêtes auprès des ménages. Mais l’ajustement semble trop dépendant des diverses hypothèses, comme l’effet du rang de naissance sur la survie des enfants et la répartition dans le temps des décès des enfants (Brass and Macrae 1985).

Un troisième biais de sélection avec cette méthode provient du fait que la dernière naissance de chaque femme n’est jamais représentée, puisqu’elle n’a pas l’occasion d’être déclarée lors de la naissance suivante. Le biais est probablement négligeable quand la fécondité est élevée, mais dans une population où de nombreuses femmes n’ont que deux enfants, il y aura une surreprésentation des premières naissances, qui ont généralement une mortalité supérieure à la moyenne. Dans une population où une importante proportion de femmes n’a qu’un enfant, la technique de la naissance précédente ne donnera pas non plus des estimations sans biais de la mortalité de la petite enfance.

Description détaillée de la méthode

Un diagramme aide à comprendre les termes utilisés dans cette explication. La figure 1 schématise un intervalle entre naissances Ī pour une femme ayant trois points de contact possibles avec les services sanitaires – à l’occasion d’une visite prénatale, au moment de l’accouchement et après l’accouchement lors d’un contrôle post-partum ou d’une vaccination du nouveau-né.

Figure 1 Schéma d’un intervalle entre naissances présentant les éventuels points de contact avec les services sanitaires306 [7]

Des modèles et des données empiriques ont montré que les proportions d’enfants décédés parmi les enfants précédents, Q, recueillies à proximité de l’accouchement de l’enfant de référence sont proches de la probabilité de décéder avant un âge de l’ordre de 80 % de l’intervalle moyen entre naissances vivantes, Ī. La compilation des intervalles entre naissances médians pour 35 des enquêtes les plus récentes couvrant la période 1990-2010 dans des pays d’Afrique subsaharienne fait ressortir un intervalle médian de 34,8 mois (Macro International Inc 2012). Les seuls pays avec des intervalles médians de plus de 40 mois sont le Ghana (40), la Namibie (42), l’Afrique du Sud (47) et le Zimbabwe (47). Les proportions d’enfants précédents décédés au moment de l’accouchement de l’enfant de référence sont donc proches des proportions d’enfants décédés avant leur deuxième anniversaire, soit, dans une notation de table de mortalité, 2q0.

La proportion d’enfants précédents décédés avant la naissance de référence est très proche de 2q0 dans une table de mortalité, parce que la proportion d’enfants décédés est l’intégrale du produit de deux fonctions asymétriques. L’une est la distribution des naissances par durée avant la naissance la plus récente, b(x). La seconde fonction est la probabilité cumulée q(x), prise dans les premiers âges couverts par la table de mortalité. La distribution par mois de la naissance précédente est asymétrique : aucune naissance dans les neuf premiers mois précédant la maternité actuelle mais une concentration des naissances autour de l’intervalle moyen entre naissances, puis une longue queue de distribution à mesure que l’on remonte dans le temps avant la naissance la plus récente. Les probabilités cumulées de décéder aux jeunes âges dans toute table de mortalité s’accroissent rapidement durant les deux premières années de vie, mais par la suite les proportions cumulées, qx, se stabilisent au-delà de l’âge de deux ans (Hill and Aguirre 1990).

La figure 2 illustre la forme de ces deux fonctions avec des données réelles d’intervalles entre naissances (d’où les légères irrégularités dues à des défauts de déclaration des dates) et les probabilités de décéder par mois depuis la naissance tirées de la table-type des Nations Unies (modèle ‘Général’) avec une espérance de vie à la naissance de 60 ans.

Figure 2 Distributions des intervalles entre naissances par durée depuis la naissance précédente et risques cumulés de décéder avant l’âge (x)307 [8]

La proportion d’enfants décédés parmi les naissances précédentes, Q, est l’intégrale du produit de ces deux fonctions. Soit

Q= ∫ 0 ∞ b(x)q(x)dx
Equation 1

où b(x) est le nombre de naissances survenues x mois avant la maternité actuelle, et q(x) est la probabilité cumulée des décéder avant l’âge x.

Comme la méthode vise essentiellement à mesurer les variations d’une année à l’autre de la survie des jeunes enfants par établissement, l’intérêt porte davantage sur la valeur de l’indice que sur sa représentation exacte dans la table de mortalité. Le principal effet perturbateur dans la comparaison des résultats au fil du temps ou dans différentes populations résultera de différences dans la longueur des intervalles entre naissances. Mais l’analyse de Rutstein a montré que les intervalles médians n’ont évolué que très lentement entre les premières et les dernières EDS dans chaque pays et en particulier en Afrique subsaharienne, de sorte que l’importance des variations de la longueur des intervalles entre naissances est probablement mineure (voir Rutstein (2011 : Tableau 2.2a)). Par convention, on dénomme simplement « indice de mortalité de la petite enfance » la proportion d’enfants précédents décédés au moment de la naissance de l’enfant de référence, et on le considère comme une approximation de 2q0 dans la plupart des populations et de 2,7q0 dans les populations où les intervalles entre naissances sont de l’ordre de 40 mois. Dans de nombreux pays à basse fécondité, les intervalles entre naissances sont plus longs, mais la plupart de ces pays ont de bons systèmes d’enregistrement des mouvements de population et ils ne sont pas les principaux utilisateurs de la technique de la naissance précédente.

On peut estimer les effets éventuels d’intervalles entre naissances s’écartant de 30 mois sur les mesures de la mortalité des jeunes enfants en recourant aux tables-types de mortalité. Nous utilisons celles du modèle Général des Nations Unies, sexes réunis, avec une espérance de vie à la naissance de 60 ans, pour calculer les probabilités mensuelles de décéder jusqu’à 5 ans. Nous calculons ensuite les différences relatives dans la mesure de la mortalité de la petite enfance lorsque l’intervalle entre naissances, l, s’écarte de 30 mois et que le temps d’exposition au risque n’est donc pas 0,8* I ou 24 mois (2q0). Quand l’intervalle entre naissances est de 25 mois et donc le temps d’exposition au risque de 25*0,8 = 20 mois, ce qui peut survenir si les données sont recueillies lors de visites prénatales, les proportions d’enfants précédents décédés sont alors proches de 1,7q0 ou 5 % plus basses que si l’intervalle entre naissances avait été de 30 mois. Quand les intervalles entre naissances atteignent 40 mois, les proportions d’enfants précédents décédés sont une approximation de 2,7q0, soit un écart de 7 % avec la valeur de 2q0 associée à un intervalle entre naissances de 30 mois. Si l’intervalle entre la naissance de l’enfant précédent et le moment ou les données sont recueillies atteint 45 mois, ce qui peut arriver si les mères sont interrogées quelque temps après la naissance de l’enfant de référence, alors la mesure estimée de la mortalité des jeunes enfants est à peu près égale à 3q0 soit 9 % de plus que 2q0 dans la table type de mortalité. Bien qu’importantes, ces différences restent modérées et les pourcentages restent vraisemblablement stables à court terme.

Les tables-types de mortalité peuvent être utilisées pour interpoler entre les diverses mesures de la mortalité des jeunes enfants obtenues par la technique de la naissance précédente. Avec des intervalles entre naissances de 30 mois, nous estimons à peu près 2q0. En utilisant des transformations logit des tables-types de mortalité, on peut aisément obtenir les valeurs correspondantes de 1q0 (mortalité infantile) et 5q0 (taux de mortalité avant 5 ans utilisé par l’Unicef). Un exemple de la méthode d’interpolation figure au tableau 2. La même procédure peut être suivie pour obtenir 2q0 quand les intervalles entre la naissance précédente et la naissance de référence ne sont pas de 30 mois, en particulier si l’intervalle est réduit du fait de la collecte des données lors des visites prénatales, ou si la durée depuis la naissance précédente est au contraire allongée du fait de la collecte des données est organisée,  disons, lors de la première vaccination de l’enfant de référence. La feuille de calcul associée [9] présente la procédure en détail.

Les questions soulevées par ce simple résultat qui veut que Q≈ (Ī .0,8) q0 sont nombreuses. La première question concerne l’omission des femmes n’ayant qu’une naissance et donc pas de naissance précédente. Dans une large majorité des populations sans système d’état civil complet, la plupart des femmes ont au moins un deuxième enfant, de sorte que la mortalité des premières naissances est bien prise en compte, le biais étant donc minime. Toutefois, dans les populations à faible fécondité, la question se pose de la surreprésentation des premières naissances dans les données. Deuxièmement, les femmes qui décèdent en couches peuvent ne pas survivre assez longtemps pour déclarer la survie de leurs enfants précédents, même si des informations sur les dossiers hospitaliers restent souvent disponibles au-delà du décès. On sait que les risques de perdre l’enfant de référence sont fortement associés à la mortalité maternelle, comme le montrent les données de Bamako (Hill and Aguirre 1990). Heureusement les décès maternels sont suffisamment rares pour avoir peu d’effets sur les données recueillies de cette façon.

Il est important de préciser la période de référence des estimations obtenues par la technique de la naissance précédente. A nouveau, la figure 2 nous aide à évaluer la date moyenne des décès des enfants précédents qui sont morts avant la naissance de référence. La combinaison de risques relativement élevés de décéder précocement (voir la fonction q(x)) et d’une concentration des naissances autour de l’intervalle moyen entre naissances oriente vers un âge moyen au décès nettement inférieur à la moitié de l’intervalle entre naissances. Aguirre (1990) a montré à l’aide de modèles que la date moyenne de décès des enfants précédents se situait environ aux deux tiers de la longueur de l’intervalle entre naissances avant la date de naissance de l’enfant de référence. A partir de données empiriques couvrant un large éventail d’intervalles entre naissances, le décès de l’enfant précédent se situait à un point entre 54 et 74 % de l’intervalle en mois avant la date de naissance de l’enfant de référence. Dans la plupart des applications, nous recommandons de considérer que la date de référence des décès se situe aux deux tiers de l’intervalle avec la naissance précédente à partir de la naissance de l’enfant de référence. Cette hypothèse a été utilisée dans les feuilles de calcul [9] des estimations.

Données nécessaires

La série de questions nécessaires pour la mise en œuvre de cette technique est simple, en supposant que la femme est interrogée dans l’établissement de santé alors qu’elle est enceinte (visite prénatale), qu’elle vient d’accoucher (dans une maternité ou à l’hôpital) ou qu’elle a amené son nouveau-né pour une vaccination :

  • ‘Avez-vous déjà été enceinte une autre fois avant la grossesse/naissance actuelle ?’

Si ‘oui’, continuer. Si ‘non’, stop.

  • ‘Quelle a été l’issue de cette précédente grossesse ?’ (naissance vivante, mort-né, fausse couche ou avortement– spontané ou provoqué).

Si ‘naissance vivante’ continuer. Si autre, stop.

  • ‘Cet enfant précédent est-il encore en vie aujourd’hui ?’ (oui/non)

La date de l’interview (généralement la date d’accouchement de l’enfant de référence) est également nécessaire, mais elle fait généralement partie des renseignements administratifs connus.

Il s’agit là des questions de base, mais il s’en ajoute souvent d’autres relatives à la mère et à ses enfants, telles que la date de naissance de l’enfant précédent, son sexe, son poids à la naissance (s’il est connu), si c’était une naissance simple ou multiple, s’il est encore allaité entièrement, etc., selon les besoins et les circonstances. De même, d’autres informations peuvent être utiles pour les soins à la mère et à l’enfant (si la mère est vue après l’accouchement) : l’âge, le niveau d’instruction et la résidence de la mère ainsi que des informations sur l’accouchement de l’enfant de référence tels que son poids à la naissance et le lieu et le type d’accouchement (normal, au forceps, par aspiration, par césarienne, etc.). La connaissance de la date de naissance de l’enfant précédent est utile pour le calcul des intervalles moyens entre naissances dans la population étudiée.

Les données sont souvent obtenues dans les hôpitaux sous la forme de registres ou de grands livres. Un exemple est donné au tableau 1. Le contenu de chaque colonne peut varier en fonction des objectifs mais les questions essentielles pour l’estimation de la mortalité de la petite enfance sont reprises dans les colonnes (7) et (8). Notez que dans le système sanitaire, le nombre de grossesses (aussi courtes soient-elles) remplace souvent le nombre de naissances vivantes, mais avec un peu d’accoutumance et de formation le personnel de l’établissement peut aisément distinguer entre les définitions plus médicales (gravidité, parité, parturition) et des termes plus démographiques (grossesses, naissances vivantes et enfants vivants).

Tableau 1 Exemple de registre de recueil des données pour la mise en œuvre de la technique de la naissance précédente

Date d’accouche
ment

(1)

Nom de la mère ou N° d’identité

(2)

Age ou date de naissance de la mère

(3)

Gravidité (Total des grossesses)

(4)

Enfants nés vivants

(5)

Enfants vivants

(6)

Accouchemt actuel : type
(né vivant, mort né, avortemt ou fausse couche)

(7)

Naissance simple ou multiple ?

(8)

Si né vivant : précédent enfant vivant aujourd’hui ?

(9)

Sexe du dernier accouchemt : m/f (10)

27 Jan 2012

Mariama Sow

31 Oct 1980

7

5

4

Né vivant

Simple

Oui

M

28 Jan 2012

Comfort Frempong

27 Juin 1991

3

3

2

Mort né

N.A.

N.A.

N.A.

29 Jan 2012

Huda Khalaf

19 Oct 1992

3

2

2

Né vivant

Jumeaux

1 – Oui

 

M

29 Jan 2012

Huda Khalaf

19 Oct 1992

3

2

2

Né vivant

Jumeaux

2 - Non

F

 

30 Jan 2012

Mary Kenyatta

22 ans

3

2

1

Fausse couche

N.A.

N.A.

N.A.

Note: Dans cet exemple, des mots ont été utilisés plutôt que des codes, mais dans la plupart des cas, les réponses au choix sont pré-codées afin de standardiser les réponses et de minimiser le travail du personnel médical. Les nombres de grossesses, de naissances vivantes et d’enfants vivants excluent la grossesse ou la naissance la plus récente. Les jumeaux ou les triplés doivent être enregistrés séparément – voir le tableau.

Exemple

Dans sa forme basique l’analyse est très simple. Elle consiste à diviser le nombre d’enfants précédents décédés (ligne B du tableau 2) au moment de la naissance de référence par le total du nombre d’enfants précédents nés vivants. Les mort-nés sont exclus du calcul.

Tableau 2 Estimation de la mortalité de la petite enfance par la technique de la naissance précédente pour Bamako, Mali en 1985

  Mesures  

Naissances
précédentes

Avant-dernières
naissances

  Total des enfants précédents nés vivant (A)

4 778

 

3 737

  Total des décédés parmi les enfants précédents
      nés vivants (B) 

679

 

620

  Proportions d’enfants précédents décédés (B/A)

0,142

 

0,166

Source: Données de l’étude sur la maternité de Bamako (Hill and Aguirre 1990).

Dans les cas où l’on souhaite estimer d’autres indices de la table de mortalité, la mortalité infantile et la mortalité avant 5 ans peuvent être obtenues en utilisant des tables-types de mortalité et des transformations logit. Au tableau 3, nous illustrons les étapes de la procédure pour produire des estimations de 1q0 et 5q0 en utilisant des transformations logit de tables-types de mortalité. Ces méthodes sont incluses dans les feuilles de calcul associées.

Dans certains cas, des informations sont aussi recueillies et utilisées concernant l’avant-dernier enfant né, c’est-à-dire l’enfant né avant la précédente naissance (s’il y a eu un avant-dernier enfant). En simplifiant, la période d’exposition au risque de décéder pour cet enfant sera légèrement inférieure à deux fois l’intervalle moyen entre naissances, Ī. En prenant Ī = 30 mois, la proportion d’avant-derniers enfants décédés au moment de l’accouchement actuel sera à peu près égale à 2.Īq0, soit 5q0. La proportion déclarée d’avant-derniers enfants décédés est proche de la probabilité de décéder dans leurs cinq premières années de vie et pas à un âge plus jeune, car la distribution mensuelle des naissances et les probabilités cumulées de décéder sont beaucoup plus plates autour de l’âge de cinq ans qu’autour de deux ans. La difficulté est que ces données sur l’avant-dernier enfant ne peuvent provenir que de mères ayant eu au moins trois accouchements ou au moins deux accouchements et une troisième grossesse. La sélection systématique de femmes ayant un nombre d’enfants élevé et probablement une fertilité forte (intervalles entre naissances courts) exacerbe les biais par rapport à la version simple de la méthode (Hill and Aguirre 1990). Bien qu’elle soit incluse dans l’illustration ci-dessous, nous ne recommandons pas l’utilisation de l’information sur la survie de l’avant-dernier enfant né pour estimer la mortalité récente des jeunes enfants.

Tableau 3 Utilisation des logits et des tables types des Nations Unies (modèle Général) pour estimer les taux de mortalité infantile et de mortalité avant 5 ans à partir des proportions d’enfants précédents et d’avant derniers enfants décédés avant l’accouchement de référence

Mesure

Proportions observées d’enfants
décédés

Proportions d’enfants vivants

l(2) dans les tables-types des NU Général: e(0)=60

logit l(2)

Logit l(2) observé

Alpha

1q0:
mortalité infantile estimée

5q0:
mortalité avant 5 ans
estimée

Proportion d’enfants précédents décédés

0,142

0,858

0,914

-1,179

-0,899

0,280

0,120

0,166

Proportions d’avant derniers enfants décédés

0,166

0,834

0,914

-1,179

-0,807

0,372

0,141

0,193

Source: Etude dans les maternités de Bamako (Hill and Aguirre 1990).

Sur la figure 3, nous faisons apparaître la relation entre les différentes mesures de mortalité estimées au tableau 3. A première vue, les données suggèrent une amélioration de la survie des enfants dans la période précédant la collecte des données dans les maternités de Bamako. Mais il faut se rappeler les effets de sélection implicites dans l’utilisation des données sur les avant-derniers enfants, puisque seules les mères d’au moins trois enfants fournissent les informations utilisées pour estimer les mesures repris à la dernière ligne du tableau 3.

Figure 3 Relation entre les proportions d’enfants précédents et d’avant derniers enfants décédés, Q, et les indices de mortalité des jeunes enfants 1q0 and 5q0308 [10]

Extensions de la méthode

Une critique courante de la méthode de l’enfant précédent est que les taux sont inévitablement calculés pour la population fréquentant les centres de santé et les maternités, mais qu’ils ne nous disent rien sur les taux de mortalité des jeunes enfants pour les mères ne fréquentant pas ces centres. Comme on l’a vu, dans la plupart des pays, des mères de plus en plus nombreuses accouchent dans des centres de santé d’un type ou l’autre, de sorte que peu à peu les estimations par la technique de l’enfant précédent deviennent plus représentatives. Entre temps, la recherche d’informations essentielles via d’autres sources vaut souvent la peine.

L’occasion la plus évidente de contacter une proportion plus importante de mères survient au moment de la première visite prénatale. Comme on l’a vu, la proportion de femmes enceintes qui fréquentent de tels centres est maintenant assez élevée, même là où l’enregistrement à l’état civil est très lacunaire (et l’accouchement en établissement de santé peu fréquent). Il suffit de très peu d’ajustements pour adapter aux consultations prénatales la collecte des informations essentielles pour la technique de la naissance précédente. Le principal risque est que l’information soit recueillie plusieurs fois auprès de la même mère. On doit donc être attentif à ce que l’information soit recueillie à la première visite mais pas aux suivantes.

Le principal problème technique à résoudre est que, comparé au moment de l’accouchement, l’intervalle depuis la naissance précédente est raccourci quand l’information est obtenue lors d’une visite prénatale. La proportion d’enfants décédés parmi les enfants précédents sous-estimera donc légèrement la vraie valeur de 2q0 dans la population. Toutefois, dans de nombreux cas, les femmes enceintes ne se présentent à la première visite prénatale que lorsque la grossesse est bien avancée. Dans ce cas, la réduction de la longueur de l’intervalle entre naissances sera de quelques mois et l’effet sur la mesure de la mortalité de la petite enfance sera très limité (Bairagi, Shuaib and Hill 1997; Hill and Aguirre 1990).
[11]

Une autre façon d’obtenir l’information nécessaire à l’application de la technique de l’enfant précédent consiste à inclure les questions lors de la première vaccination du bébé de référence, puisque le taux de couverture des opérations de vaccination est très élevé, aussi bien pour les femmes qui ont accouché en milieu hospitalier et celles qui l’ont fait à domicile. Pour l’essentiel, le format des questions reste le même. La formulation et la formation doivent être soignées afin de bien distinguer le nouveau-né qui reçoit la vaccination de la naissance précédente dont la survie doit être établie, pour que la technique de la naissance précédente puisse être appliquée. Comme le programme de vaccination débute – ou devrait débuter – dans les premiers mois de la vie du nouveau-né, l’extension de l’exposition de l’enfant précédent au risque de décéder est modeste par rapport à l’exposition jusqu’à l’accouchement. C’est pourquoi les proportions d’enfants précédents décédés au moment de la vaccination peuvent être considérées comme une bonne approximation de 2q0. Il convient d’éviter que des mères soient interrogées plusieurs fois à l’occasion de plusieurs séries de vaccination, mais c’est un problème relativement facile à gérer (Hill and Kelly 1996). L’effet de la mortalité du nouveau-né est plus important, car les mères qui perdent leur enfant en bas âge ne participeront pas aux programmes de vaccination. Si la mortalité des enfants successifs n’est pas indépendante, il en résultera une sous-estimation globale de l’indice de mortalité de la petite enfance.

Evolution au fil du temps et comparaisons entre zones

La technique de la naissance précédente trouve une importante application dans l’étude des tendances de la mortalité de la petite enfance dans des sous-populations suivies au fil du temps, et dans la comparaison des tendances de la mortalité des jeunes enfants au fil du temps dans différentes sous-populations. Dans plusieurs pays, du Sénégal et du Mali au Sultanat d’Oman, les estimations courantes de la mortalité de la petite enfance sont tirées d’informations collectées dans des maternités. L’exemple ci-dessous est tiré du site de surveillance sanitaire de Matlab Thana au Bangladesh, où nous bénéficions en outre des données d’un système d’état civil performant, en même temps que des informations sur la survie de l’enfant précédent recueillies au moment de la naissance de référence. Dans la zone d’étude de Matlab Thana il est, de plus, possible de comparer la mortalité des jeunes enfants dans les zones ‘Traitement’ et ‘Comparaison’, ce qui offre une occasion supplémentaire de tester la validité des informations fournies par la méthode.

Sur la figure 4 les courbes des zones ‘Traitement’ et ‘Comparaison’ représentent l’évolution de la mortalité de la petite enfance, tirée des questions sur la survie de l’enfant précédent, recueillies au moment de la naissance de référence. Les courbes inférieures représentent l’évolution de la mortalité infantile tirée du système d’état civil, alors que les courbes supérieures correspondent au 3q0, également calculé à partir des données d’état civil. La mesure de la mortalité de la petite enfance reproduit de très près l’évolution de 3q0 puisque dans cette population, où les intervalles entre naissance sont de l’ordre de 40 mois, la technique de la naissance précédente mesure la mortalité jusque vers 2,7 ans soit 2,7q0. La qualité de l’ajustement entre les mesures directes de la mortalité des jeunes enfants et les proportions d’enfants précédents décédés est encourageante.

Figure 4 Proportions d’enfants précédents décédés au moment de l’accouchement de référence, Q, comparées à la mortalité infantile, 1q0 et à la mortalité 3q0, mesurées directement à partir des données de surveillance du Matlab, Bangladesh310 [12]

Comparaison des tendances de la mortalité dans des sous-populations

La dernière illustration provient de l’étude sur la mortalité de la petite enfance dans les maternités de Bamako, Mali, où l’information sur le poids à la naissance du dernier né (l’enfant né à la clinique) était aussi enregistrée. Comme le montre le tableau 4, il existe une corrélation très forte entre le poids à la naissance de l’enfant de référence, le dernier né, et la survie de l’enfant précédent. L’analyse fait clairement apparaître la concentration des risques élevés chez certaines mères et montre l’intérêt de cibler ces mères pour réduire la mortalité de la petite enfance. Dans la même étude, le nombre de naissances survenues dans chaque maternité au cours d’une année était suffisamment élevé pour permettre le calcul de l’indice de mortalité de la petite enfance dans chaque établissement. Il a été ainsi possible de classer les établissements en fonction de la proportion d’enfants précédents décédés au moment de l’accouchement de référence et d’identifier ainsi les établissements les moins performants, ainsi que les populations dans leur zone de recrutement nécessitant des ressources supplémentaires.

Tableau 4 Proportions d’enfants précédents et d’avant-derniers enfants décédés au moment de la naissance de référence, par poids à la naissance du dernier né

Poids à la naissance de l’enfant de référence
(grammes)

Naissances précédentes

N

Proportions décédés ≈ 2q0

1500–1999

76

0,197

2000–2499

409

0,161

2500–2999

1 389

0,153

3000–3499

1 827

0,136

3500–3999

607

0,104

4000 or more

98

0,092

Source: Etude dans les maternités de Bamako (Hill and Aguirre 1990).

 

Références

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[7] http://demographicestimation.iussp.org/sites/new-demographicestimation.iussp.org/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/sites/demographicestimation.iussp.org/files/wysiwyg_imageupload/1657/CM_PBT_01_FR_0.png
[8] http://demographicestimation.iussp.org/sites/new-demographicestimation.iussp.org/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/sites/demographicestimation.iussp.org/files/wysiwyg_imageupload/1657/CM_PBT_02_FR.png
[9] http://demographicestimation.iussp.org/sites/demographicestimation.iussp.org/files/CM_PBT_FR_0.xlsx
[10] http://demographicestimation.iussp.org/sites/new-demographicestimation.iussp.org/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/sites/demographicestimation.iussp.org/files/wysiwyg_imageupload/1657/CM_PBT_03_FR.png
[11] Hill AG and A Aguirre. 1990. &quot;Childhood mortality estimates using the preceding birth technique - some applications and extensions&quot;, Population Studies 44(2):317-340. http://dx.doi.org/10.1080/0032472031000144616
[12] http://demographicestimation.iussp.org/sites/new-demographicestimation.iussp.org/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/sites/demographicestimation.iussp.org/files/wysiwyg_imageupload/1657/CM_PBT_04_FR_0.png
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[14] http://dx.doi.org/10.1093/ije/18.Supplement_2.S20
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[16] http://hdl.handle.net/10125/3562
[17] http://dx.doi.org/10.1080/0032472031000144616
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[22] http://www.measuredhs.com/pubs/pdf/CR28/CR28.pdf
[23] http://demographicestimation.iussp.org/sites/new-demographicestimation.iussp.org/files/sites/demographicestimation.iussp.org/files/CM_PBT_0.xlsx
[24] http://demographicestimation.iussp.org/sites/new-demographicestimation.iussp.org/files/sites/demographicestimation.iussp.org/files/CM_PBT_FR_0.xlsx